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INTRODUCTION XXXV


d’Alexandrie[1], sur lesquels se base cette affirmation, Machaut a certainement en vue le roi Jean de Bohême, et non Jean II de France. Dans un passage du Voir Dit où il est question du duc de Normandie[2], il s’agit du futur roi Charles V, puisque le poème prend sa date aux environs de 1364, et non de Jean, son père, comme le suppose Tarbé qui place la pièce en 1348. On a encore cité un autre témoignage d’où il ressortirait avec toute l’évidence désirable que Machaut avait en effet été nommé secrétaire du roi Jean le Bon. C’est une complainte de Guillaume. L’abbé Lebeuf, le premier, s’en est servi dans ce sens ; Tarbé a reproduit cette hypothèse et Mas Latrie Ta adoptée sans discussion[3]. Machaut, s’adressant à un roi dont il est le secrétaire, se plaint à lui du comte de Tancarville qui lui a envoyé un cheval aveugle et boiteux. Cette a « clameur >> ne peut avoir été écrite qu’après 1352, car à cette date seulement Jean II de Melun, souverain maître de l’hôtel du roi, devient comte de Tancarville. Mais il n’est pas nécessaire d’admettre qu’elle ait été composée avant 1356, comme le veut Tarbé, par la raison que le comte fut fait prisonnier à Poitiers. Après son retour d’Angleterre, Jean continua à jouer un rôle brillant à la cour jusqu’à sa mort survenue en 1382. La pièce peut donc aussi avoir été écrite après la captivité du comte. Le poète s’y plaint de la goutte qui le tourmente et de l’affaiblissement de sa vue. C’est exactement son portrait du Voir

  1. V. 831 ss. Machaut y parle, sans préciser, du bon roi qui le nourrit, « dont les os sont pieça pourris et dont Tame est en paradis ».
  2. Voir Dit, p. 136.
  3. Lebeuf, loc. cit., p. 381 ; Tarbé, p. xxvi et 197 ; Mas Latrie, Prise d’Alexandrie, p. xvi, n. 2.