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VI INTRODUCTION

l'heure de la séparation (3847-4018). Le poète est très aimablement congédié ; on procède même à un échange d'anneaux, sous le regard bienveillant d'Espérance sur- venue pour la circonstance. La joie inspire à Guillaume un « rondelet », qu'il entonne en s'éloignant (4019- 41 14).

Mais lorsqu'il revient, quelle déception! A peine si on lui accorde un regard indifférent. Le malheureux est au désespoir. La dame sait aussitôt le consoler d'une explication à peu près satisfaisante : sa froideur n'est qu'apparente, lui dit-elle, une attitude qu'elle se com- pose, afin de détourner les soupçons et de dépister les médisants, ces éternels ennemis des amants; et Guil- laume veut bien la croire, sans toutefois se montrer absolument convaincu (41 1 5-42 1 6). Après s'être nommé en un anagramme, il achève son poème par un hom- mage à Amour (4257-4298).

Si brève qu'elle soit, cette analyse peut suffire pour faire voir clairement les deux éléments bien distincts que Guillaume a réunis dans ce même poème : les par- ties didactiques et la partie narrative. Cette dernière, en somme, se réduit à peu : la lecture du lai et la fuite du poète ; son retour; la journée passée avec sa dame jus- qu'à l'heure du congé; l'accueil indifférent qu'il trouve ensuite et l'explication qu'on lui en fournit, à peu près un millier de vers, à peine le quart du poème. C'est regrettable, car c'est là sans contredit pour nous la portion la plus vivante et la plus intéressante de cette œuvre. Le récit, simple et naturel, est conduit avec aisance; les dialogues, qui y occupent une place considérable, sont presque partout vifs, alertes et clairs ; les sentiments intimes, inspirés par les événements extérieurs, ont été finement analysés et témoignent d'une observation curieuse et pénétrante. Tout cela concourt à donner au lecteur l'impression d'un fait réel, comme d'une aventure personnelle que le poète

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