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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/118

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[vers 1384]
LE LIVRE

Si la tins en grant reverence,
Pour la bonté & la vaillance
De celle dont elle venoit ;
Car mieus de li ne convenoit.
Si la mis haut deſſur mon lit,
À grant joie & à grand délit,
Pour li véoir & atouchier,
À mon lever & au couchier.
Je la veſti, je la paray,
Et maintes fois la comparay
À Venus quant je l’aouroie,
Et plus encor, car je diſoie :
« Douce ymage, douce ſemblance,
« Plus que Venus as de puiſſance ;
« Toute vertu, douce dame, as :
« Pour ce, d’un fin drap de damas
« Fait de fin or ſeras parée,
« Qu’à toi nulle n’eſt comparée. »

Ainſi ſur mon chevés la mis,
Com vrai ſerf & loiaus amis ;
Dont moult de gent ſe merveilloient
Que c’eſtoit, quant la regardoient.
Quant j’avoie aucune penſée
Contre moi ou mal ordenée,
Et la manière ſimple & coie
De celle ymage regardoie,
Tous mes penſers eſtoit taris,
Et tous mes maus eſtoit garis.
Et pourquoi la m’envoia-elle ?
Pour ce qu’elle ſavoit bien qu’elle
Ne pooit devers moi venir ;
Auſſi ne pooit avenir