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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/306

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[vers 5766]
LE LIVRE

Ma lettre que je ne l’enten.
Elle m’avoit dit, tres-anten,[1]
Que cuers qui vrais amans ſe claime
Ne doit pas courcier ce qu’il aime ;
Mesfait ay, ſi l’amenderay
Se je puis, & reſponderay
À ſa complainte dolereuſe
Qui me ſemble moult amoureuſe.

COMPLAINTE.

Dame en qui j’ay mis toute m’eſperance,
Mon cuer, m’amour, mon deſir, ma plaiſance,
Tout mon penſer & toute ma fiance,
Se j’ay meſpris, ce fu par ignorance :
Qu’onques nel fis de certaine ſcience,
Ainſois le fiſt Amours qui mon cuer lance,[2]
Quant longtains fuis de vo douce ſemblance,
Dont en mon cuer remaint la remembrance.
Or me commande,

Doulce dame, que je le vous amende ;
Veſcy mon cuer, prenez-le pour amande.
Car il convient que li las en .ii. fende,
Se vo grace pers, dont Dieus me deffende !
Or me gart Dieus que plus ne vous offende,
Et que jamais n’envoie à vous ne mande
Lettre ne riens qui à vo pais ne tende,
Où il convient que je penſe & entende
Tant com vivray.

Car je vous aim, dame, de cuer ſi vray
Que mis en vous cuer & corps & vivre ay ;
Car c’eſt raiſon que jamais bien n’auray,

  1. Bien avant cette année.
  2. Après ce vers, le mſc. 1584 donne celui-ci :

    Et point ſouvent de l’amoureuſe lance.