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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/359

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DU VOIR-DIT.

« Et plain de grant ingratitude,
« Se j’oublioie les biens fais
« Qu’elle m’a par maintes fois fais.
« Avec ce, je li ay promis
« Que toudis ſeray ſes amis,
« Et qu’autre jamais n’ameray ;
« Si qu’ainſi ſans amour ſeray,
« Que li, n’autre ne vueil amer.
« Si que je me porray clamer
« Des hommes le plus dolereus
« Et le plus tres-maléureus :
« Qu’onques-mais ne fui ſans Amour,
« Qu’elle en moy ne féiſt demour.[1]
« Et s’aray perdu ma ſcience ;
« Car mais ne feray, ſans doubtance,
« Balade, rondel, virelay,
« Biau dit, biau chant n’amoureux lay.
« Ne mais, après ceſte retraite,
« Mes cuers n’ara joie parfaite ;
« Ains ſera merencolieus,
« Triſtes, penſis, & envieus
« De morir ſanz remiſſion.
« Or vous ay dit m’entencion. »

Quant il m’oÿ ainſi parler,
Il dit : « Plus ne m’en vueil meſler,
« Bien ſavoie que je perdoie
« Mon langage, ſe j’en parloie. »
Il but, & puis il s’en parti,
Et me laiſſa en ce parti.

  1. Qu’elle, que l’Amour.