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RELATION
DE LA CONDUITE
DU DUC DE VALENTINOIS


AVERTISSEMENT

César Borgia, duc de Valentinois, second fils naturel du pape Alexandre VI et d’une dame romaine, appelée Vannozia, est l’un de ces hommes qui ont laissé dans l’histoire un nom qu’on ne sépare pas de l’idée de la scélératesse. « Beaucoup de princes, dit Sismondi, ont répandu plus de sang que César Borgia ; beaucoup ont exercé des vengeances plus cruelles, ont ordonné des supplices plus atroces, cependant le nom d’aucun homme n’est taché d’une plus grande infamie. Mais la voix publique a été juste envers lui. Les autres monstres ont été entraînés par leurs passions ; Borgia a tout calculé jusqu’à la férocité, rapportant tout à lui, sacrifiant tout à son intérêt, ne connaissant la morale, la religion, le sentiment que comme autant d’instrument qui pouvaient le servir et qu’il brisait dès qu’il s’en trouvait gêné. »

Dévoré d’une ambition insatiable, mêlé à toutes les intrigues sanglantes de son temps, assassin de son frère, le duc de Gandie, amant incestueux de sa sœur Lucrèce, tout à tour cardinal et condottiere, il passa sa vie à guerroyer contre les petits princes d’Italie qu’il faisait étrangler après les avoir dépouillés de leurs États. Aussi perfide envers ses alliés qu’envers ses ennemis, il enleva la ville de Sinigaglia à François-Marie de la Rovère, et au moment même de la victoire, le dernier jour de l’an 1502, il fit saisir dans son propre camp les chefs des troupes auxiliaires à l’aide desquels il s’était emparé de la ville, et les fit tous mettre à mort. Ces chefs dont il redoutait le courage, après l’avoir exploité à son profit, étaient Vitellozzo Vitelli, seigneur de Città-di-Castello, Oliverotto, seigneur de Fermo, Paul Orsini, le duc de Gravina et