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porter la guerre en Toscane, attendu que les Florentins étaient ses amis, mais qu’il verrait sans peine qu’ils dirigeassent leurs armes contre Sinigaglia. Bientôt après ils lui firent savoir que la ville s’était rendue à eux, mais que la citadelle n’avait pas voulu imiter cet exemple, et que le commandant avait déclaré ne vouloir la remettre qu’entre les mains du duc : en conséquence, ils l’engageaient fortement à venir. L’occasion parut favorable au duc : il pensa que son arrivée ne pourrait leur donner d’ombrage, puisque c’étaient eux-mêmes qui l’appelaient, et qu’il ne venait point de son propre mouvement. Pour endormir leurs soupçons, il licencia toutes les troupes françaises, qui s’en retournèrent en Lombardie, à l’exception de cent lances de M. de Candale, son beau-frère. Il partit de Césène vers le milieu de décembre, et se rendit à Fano. Déployant alors toute l’astuce et la sagacité dont il était doué, il persuada aux Vitelli et aux Orsini de l’attendre à Sinigaglia, en leur faisant sentir que la méfiance ne pouvait contribuer à rendre la paix ni durable ni sincère : que, quant à lui, il aimait à pouvoir compter sur les armes et les conseils de ses amis. Quoique Vitellozzo montrât quelque répugnance à se rendre à cette invitation, et que la mort de son frère lui eût appris que l’on ne doit pas se fier à un prince que l’on a offensé, néanmoins, persuadé par Pagolo Orsini, que le duc avait acheté par des dons et des promesses, il consentit à l’attendre.

En conséquence, le 30 décembre 1502, au moment de s’éloigner de Fano, le duc communiqua son dessein à huit de ses amis les plus intimes, parmi lesquels se trouvaient don Michele et monseigneur d’Euna, qui fut depuis cardinal, et leur prescrivit, aussitôt que Vitellozzo, Pagolo Orsini, le duc de Gravina et Oliverotto, seraient venus à sa rencontre, de placer chacun de ces quatre seigneurs entre deux d’entre eux, et leur désigna celui dont ils devaient se charger spécialement, avec ordre de faire en sorte de les occuper jusqu’à ce qu’on fût entré dans Sinigaglia, et de ne point les laisser s’éloigner avant