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Préface

faite en un style moderne que ne pouvoit avoir Amelot ; mais la profondeur du sens et l’énergique vigueur de la phrase de l’original y sont fréquemment sacrifiées par la recherche de cette élégance et de cette grâce dont le propre est d’effleurer les objets, dans la crainte de ne pas sembler assez légères. En un

    mantenere la fede e vivere con integrita e non con astuzià, ciascuno lo intende. Nondimeno (il semble l’avouer avec douleur) si vede per isperienza ne’ nostri tempi quelli Principi aver fatio gran cose, che della fede hanno tenuto poco conto, e che hanno saputo con astuzià aggirare i cervelli degli nomini, ed alla fine hanno superato quelli che si sono fondati in su lealià. La traduction de Guiraudet fait débuter Machiavel comme s’il n’attachoit que peu de mérite à la bonne foi ; il omet ensuite son observation sur ce vertige, astucieusement procuré au cerveau des hommes, et par le moyen duquel le scélérat ambitieux arrive à son but. Enfin il évite cette opposition frappante dans laquelle l’auteur a mis, en les déplorant, les succès des Princes de mauvaise foi, avec les revers de ceux qui ont cru parvenir directement à leurs fins par une conduite loyale et vertueuse. On ne reconnaît plus l’auteur, qui n’alloit traiter un aussi triste sujet qu’avec peine et comme par force. Le traducteur, commençant presqu’avec une froide indifférence pour la bonne foi et la vertu, s’exprime ainsi : « Il est sans doute très-louable aux Princes d’être fidèles à leurs engagemens ; mais (pour cependant) parmi ceux de notre temps, qu’on a vu faire de grandes choses, il en est peu qui se soient piqués de cette fidélité, et qui se soient fait un scrupule de tromper ceux qui se reposaient sur leur loyauté. » Nous pourrions remarquer beaucoup d’autres inexactitudes et plusieurs interversions non moins fâcheuses, notamment à la fin du chap. VIII et à celle du chap. XXIII ; mais l’exemple que nous avons cité doit suffire pour justifier notre jugement sur cette traduction.