Page:Macrobe (Œuvres complètes), Varron (De la langue latine) Pomponius Méla (Œuvres complètes), avec la traduction en français, 1863.djvu/53

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le principe et la source de tout ce qui est et de tout ce qui paraît être. Il a engendré de lui-même, par la fécondité surabondante de sa majesté, l’intelligence, appelée νοῦς chez les Grecs. En tant que le νοῦς regarde son père, il garde une entière ressemblance avec lui ; mais il produit à son tour l’âme en regardant en arrière. L’âme à son tour, en tant qu’elle regarde le νοῦς, réfléchit tous ses traits ; mais lorsqu’elle détourne ses regards, elle dégénère insensiblement, et, bien qu’incorporelle, c’est d’elle qu’émanent les corps. Elle a donc une portion de la pure intelligence à laquelle elle doit son origine, et qu’on appelle λογικὸν (partie raisonnable) ; mais elle tient aussi de sa nature la faculté de donner les sens et l’accroissement aux corps. La première portion, celle de l’intelligence pure, qu’elle tient de son principe, est absolument divine, et ne convient qu’aux seuls êtres divins. Quant aux deux autres facultés, celle de sentir et celle de se développer insensiblement, elles peuvent être transmises, comme moins pures, à des êtres périssables. L’âme donc, en créant et organisant les corps (sous ce rapport, elle n’est autre que la nature, qui, selon les philosophes, est issue de Dieu et de l’intelligence), employa la partie la plus pure de la substance tirée de la source dont elle émane, pour animer les corps sacrés et divins, c’est-à-dire le ciel et les astres, qui, les premiers, sortirent de son sein. Ainsi une portion de l’essence divine fut infusée dans ces corps de forme ronde ou sphérique. Aussi Paulus dit-il, en parlant des étoiles, qu’elles sont animées par des esprits divins. En s’abaissant ensuite vers les corps inférieurs et terrestres, elle les jugea trop frêles et trop caducs pour pouvoir contenir un rayon de la Divinité ; et si le corps humain lui parut mériter seul cette faveur, c’est parce que sa position perpendiculaire semble l’éloigner de la terre et l’approcher du ciel, vers lequel nous pouvons facilement élever nos regards ; c’est aussi parce que la tête de l’homme a la forme sphérique, qui est, comme nous l’avons dit, la seule propre à recevoir l’intelligence. La nature donna donc à l’homme seul la faculté intellectuelle, qu’elle plaça dans son cerveau, et communiqua à son corps fragile celle de sentir et de croître. Ce n’est qu’à la première de ces facultés, celle d’une raison intelligente, que nous devons notre supériorité sur les autres animaux. Ceux-ci, courbés vers la terre, et par cela même hors d’état de pouvoir facilement contempler la voûte céleste, sont, en outre, privés de tout rapport de conformité avec les êtres divins ; ainsi, ils n’ont pu avoir part au don de l’intelligence, et conséquemment ils sont privés de raison. Leurs facultés se bornent à sentir et à végéter ; car les déterminations, qui chez eux semblent appartenir à la raison, ne sont qu’une réminiscence d’impressions qu’ils ne peuvent comparer, et cette réminiscence est le résultat de sens très imparfaits. Mais terminons ici une question qui n’est pas de notre sujet. Les végétaux à tiges et sans tiges, qui occupent le troisième rang parmi les corps terrestres, sont privés de raison et de sentiment ; ils n’ont que la seule faculté végétative.

C’est cette doctrine qu’a suivie Virgile quand il donne au monde une âme dont la pureté lui paraît telle, qu’il la nomme intelligence ou souffle divin :

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