Page:Macrobe (Œuvres complètes), Varron (De la langue latine) Pomponius Méla (Œuvres complètes), avec la traduction en français, 1863.djvu/607

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phe était obligé, par devoir ou par reconnaissance, de porter le nom de Pomponius. Aussi ne l’appelat-on jamais que Pomponius Mêla.

Nous croyons avoir fourni de nouvelles preuves que le géographe romain n’appartenait point à la famille de Sénèque ; il nous reste à dire quelques mots des divers jugements qui ont été portés sur son ouvrage, et du rang qui lui appartient dans la science géographique et dans les lettres latines.

Nous ne parlerons pas des éloges que lui donnent les nombreux commentateurs qui se sont occupés de lui : on sait combien en général ceux-ci s’exagèrent le mérite de l’auteur qu’ils étudient, Nous pouvons en donner une idée, en rappelant que plusieurs de ces commentateurs ont prétendu que Pline ne fut que le singe de Pomponius Mêla, que d’ailleurs il ne nomme nulle part, comme Pomponius l’avait été d’Hérodote. Gronovius dit que le naturaliste romain, et d’autres auteurs célèbres qui se sont occupés de géographie, ont emprunté plusieurs passages à Méla, pour donner plus d’agrément à leurs récits : suivant Schottus, Cicéron n’aurait pas écrit plus élégamment la géographie qu’il se proposait de composer ; Hermolaüs Barbaro appelle celle de Méla un livre d’or ; Nunnez de Guzman, surnommé Pintianus la regarde comme l’œuvre d’un génie sublime. S’ils avaient commenté Strabon, jusqu’où serait donc allé l’admiration de ces savants pour ce géographe, bien supérieur sans contredit à Méla, quoiqu’il l’ait précédé de près d’un demi-siècle ?

En tout cas, ce n’est pas pour son exactitude qu’il faut admirer Pomponius Méla. Dans les notes qui suivent cette traduction nous avons dû faire remarquer que, bien qu’il avertisse son lecteur qu’il ne présentera dans sa description que ce qui est le plus digne d’intérêt, il néglige souvent de décrire plusieurs villes bien connues de son temps, pour nous rapporter quelques faits insignifiants, et nous donner des détails géographiques du temps d’Alexandre, devenus inexacts à l’époque où il écrivait ; ou pour rajeunir les fables rapportées par Hérodote sur les Troglodytes, qui hurlent au lieu de parler, et sur les fourmis indiennes, plus grandes que des chiens ; ou pour répéter les contes de Philémon et d’Hécatée sur les hommes à pieds de cheval, et ceux dont les longues et larges oreilles leur servent de manteau. Mais il est juste de dire que son style, toujours harmonieux et fleuri, est souvent remarquable par sa correction, sa concision et sa vivacité, quoiqu’il s’y mêle quelquefois de l’affectation et de l’enflure.

Ce qui a dû contribuer le plus au succès de la géographie de Méla, c’est que, n’ayant en vue que d’instruire les gens du monde, il a voulu qu’elle fut à la fois courte et complète : c’est l’agrément qu’elle offre à la lecture, et l’art avec lequel l’auteur sait relever la sécheresse des nomenclatures par des particularités historiques ; c’est le plan, habilement suivi, par lequel il substitue à d’arides et monotones descriptions géographiques, le récit d’un voyageur qui nous conduit avec lui dans toutes les parties du globe. Cette manière, qui appartient peut-être en propre à Pomponius, car on ne peut dire qu’il l’ait imitée de personne, les ouvrages de géographie d’Agrippa, de Cornélius Népos et de Statius Sebosus n’étant point parvenus jusqu’à nous ; cette manière est celle qu’a employée avec tant de talent et de succès Malte-Brun, dont nous avons essayé de suivre la trace ; et c’est ce que devra faire, à l’exemple de Pomponius Méla, tout géographe qui voudra se rendre utile aux gens du monde, en déguisant, sous des agréments ménagés avec discrétion, l’aridité d’une science qui devrait être familière à tout homme instruit, mais dont on nous a éloignés par la manière sèche dont elle nous a été enseignée.