Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

devant que d’accoucher, j’avoys eu en songe que j’estois grosse d’un filz, que monsr du Plessis et moy le donnerions à Dieu, et qu’il ne pouvoit avoir nom que Samuel[1] ou Philippes. Monsr de Mouy, les trouvant sur la dispute du nom, les pria de ma part de ne luy en donner aucun autre que celui de monsr du Plessis son père.

Sa maladie qui fut une fièvre, presques sans fièvre, accompagnée de plusieurs dangereux accidens, entre autres d’une veille presque perpétuelle et de signes fort extraordinaires, fut attribuée partie au travail d’esprit qu’il prenait, nommément sur son livre auquel il passoit les soirs, occupant les jours aux dépesches d’affaires, partie à restes d’un poison qui luy avoit esté donné l’an précédent par un Marseillais qui vint impudemment souper avec luy, s’insinuant soubz la compaignie de monsr d’Avantigny le jeune, n’estant touteffois connu de l’un ny de l’autre, et chacun d’eux pensant qu’il fust à son compagnon. Dès le soir il en fut à l’extrémité, et en eut tous les accidens sans se douter de rien, et plusieurs jours après s’en alloit languissant, sans que les médecins y vissent cause. La jeunesse et la bonne nature et sur tout les grandz et continuelz vomissemens en vinrent à la fin à bout. Le Marseillais fut quelque temps après arresté à Anvers, venant pour empoisonner le Prince d’Orange, suborné par l’abbé de S. Gertruden, depuis qu’il eut quitté le party des Estatz. Et ce mesme abbé luy avoit faict empoison-

  1. En souvenir de la consécration qu’Anne fit à Dieu de Samuel, son fils.