Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/185

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toient à craindre, procédans du mauvais succez qu’on avoit veu en quelques affaires, nomméement en l’armée estrangère, sur lequel aucuns prenoient occasion d’accuser le dit seigneur[1] Roy de Navarre, et limiter son authorité en la conduicte des affaires. Mons. du Plessis eut lors une fièvre quarte de peu d’accez et ne laissoit pas d’y travailler plus que jamais. Particulièrement, parce qu’il savoit que les charges ne pouvoient estre sans calomnies, mesmes celles des finances (car le dit seigneur Roy l’avoit constitué surintendant des finances publiques, dès le commencement de la guerre). Sy tost qu’en l’assemblée on commença à entrer sur le règlement des finances, il se leva au milieu d’icelle et adressant sa parole à S. M. le supplia très-humblement de trouver bon qu’il s’en déportast, et cependant qu’il luy fist cest honneur de commander à un chacun de proposer ce qu’il auroit à dire contre luy librement et apertement, sauf à l’appeller après pour y respondre, et là dessus sortit ; mais tant s’en falut qu’il fut instamment prié de tous de la continuer avec mesme authorité. Et venans à la limitation de ses gages, au lieu de douze cents escus par an, dont il s’estoit contenté, luy en ordonnèrent zeze centz, et le constituèrent premier du conseil qui fut estably pour la direction des affaires de l’Estat et de l’Eglize près du Roy de Navarre ; non sans envie et regret de plu-

  1. « Voici le temps où l’on veut rendre les rois serfs et esclaves, » disait un des serviteurs du roi de Navarre, en faisant allusion à la situation de son maître à la Rochelle, et à celle de Henri III aux États de Blois.