Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/44

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jour les Seigneurs de l’inquisition qui estoient quatre gentilzhommes députés de la Seigneurie pour avoir esgard à telles causes, envoyèrent pour luy faire faire ung serment sur certains articles ; il leur répondit en italien que sa religion ne luy permettoit point. Le comissaire, equivoquant sur ce mot de religion, luy demanda s’il estoit religieux, veu qu’il estoit sy jeune, voulant dire moyne. Il leur respondit qu’il y en avoit de plus jeunes que luy, et ainsy print acte de sa réponse, et n’en ouït depuis parler. Cependant son intention n’estoit point de dissimuler, mais leur faire entendre franchement sa profession et leur rendre raison de sa foy.

Aussy ung matin de Pasques, étant allé pour quelques affaires avec le secrétaire de monsieur du Ferrier au Palais, le duc estant en solemnité avec toute la Seigneurie au haut de la court soubz la Gallerie, près de la petite porte qui va à St Marc, je luy ai plusieurs foys ouï conter que le Sacrement, qu’ils appellent, sortit de St Marc accompagné de plusieurs personnes de toutes qualités, à la façon d’Italye. On le venoit de porter à Sébastien Zeni, général de l’armée vénitienne qui estoit comme prisonnier au Palais pour avoir peu honorablement versé en sa charge ; le Duc, la Seigneurie et grand nombre de noblesse qui estoit là se jetta à genoux ; luy seul demeura debout, la teste couverte, au milieu d’eux tous, plusieurs le regardans et personne touteffois ne s’esmouvant contre luy. Plusieurs telles rencontres trouva il en Italie, esquelles Dieu luy feit la grâce de n’offenser point sa conscience. Aussy luy ay-je ouï souvent dire que jamais n’eut plus grand zelle,