Page:Madeleine de Scudéry - Clélie, histoire romaine - Volume 01.pdf/370

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uineriez bien toſt : c’eſt pourquoy i’aime mieux vous le dire moy meſme, afin que vous m’ayez quelque obligation de vous l’auoir caché ſi long temps. Sçachez donc Diuine Clelie, que le premier moment de voſtre veuë, fut le premier de ma paſſion : & que le dernier de mon amour, ne ſera que le dernier de ma vie. Ie ſçay bien que ie n’ay pas d’aſſez grandes qualitez pour vous meriter : mais ie ſçay bien auſſi que i’ay diuerſes choſes qui doiuent m’empeſcher d’eſtre mal traité. Car enfin ie ſuis Romain ; ie ſuis aimé de Clelius ; ie haïs tout ce qu’il haït ; i’aime tout ce qu’il aime ; ie ſuis exilé comme luy ; ie ſuis malheureux ; & ie vous aime plus que perſonne n’a iamais aimé. Apres cela, diſpoſez abſolument de mon Deſtin : mais s’il eſt poſſible ne me banniſſez pas de voſtre cœur, comme ie le ſuis de Rome : ſi vous ne voulez eſtre plus iniuſte que le Tyran qui m’en a chaſſé, & me rendre infiniment plus malheureux par ce ſecond & rigoureux exil, que ie ne le ſuis par le premier.