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Page:Maeterlinck-L'oiseau bleu-1909.djvu/109

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LE SAPIN

Je vous remercie, mon vénérable père… Mais comme j’aurai déjà l’honneur d’ensevelir les deux victimes, je craindrais d’éveiller la juste jalousie de mes collègues ; et je crois qu’après nous, le plus ancien et le plus digne, celui qui possède la meilleure massue, c’est le Hêtre…

LE HÊTRE

Vous savez que je suis vermoulu et que ma massue n’est point sûre… Mais l’Orme et le Cyprès ont de puissantes armes…

L’ORME

Je ne demanderais pas mieux ; mais je puis à peine me tenir debout… Une taupe, cette nuit, m’a retourné le gros orteil…

LE CYPRÈS

Quant à moi, je suis prêt… Mais, comme mon bon frère le Sapin, j’aurai déjà, sinon le privilège de les ensevelir, tout au moins l’avantage de pleurer sur leur tombe… Ce serait illégitimement cumuler… Demandez au Peuplier…

LE PEUPLIER

À moi ?… Y pensez-vous ?… Mais mon bois est plus tendre que la chair d’un enfant !… Et puis, je ne sais ce que j’ai… Je tremble de fièvre… Regardez donc mes feuilles… J’ai dû prendre froid ce matin au lever du soleil…

LE CHÊNE, éclatant d’indignation.

Vous avez peur de l’Homme !… Même ces petits enfants isolés et sans armes vous inspirent la terreur mystérieuse qui fit toujours de nous les esclaves que