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LA NUIT

Parce que c’est défendu…

TYLTYL

C’est donc là que se cache l’Oiseau-Bleu ; la Lumière me l’a dit…

LA NUIT, maternelle.

Écoute-moi, mon enfant… J’ai été bonne et complaisante… J’ai fait pour toi ce que je n’avais fait jusqu’ici pour personne… Je t’ai livré tous mes secrets… Je t’aime bien, j’ai pitié de ta jeunesse et de ton innocence et je te parle comme une mère… Écoute-moi et crois-moi, mon enfant, renonce, ne va point plus avant, ne tente pas le Destin, n’ouvre pas cette porte…

TYLTYL, assez ébranlé.

Mais pourquoi ?…

LA NUIT

Parce que je ne veux pas que tu te perdes… Parce que nul de ceux, entends-tu, nul de ceux qui l’ont entr’ouverte, ne fût-ce que de l’épaisseur d’un cheveu, n’est revenu vivant à la lumière du jour… Parce que tout ce qu’on peut imaginer d’épouvantable, parce que toutes les terreurs, toutes les horreurs dont on parle sur terre, ne sont rien, comparées à la plus innocente de celles qui assaillent un homme dès que son œil effleure les premières menaces de l’abîme auquel personne n’ose donner un nom… C’est au point que moi-même, si tu t’obstines, malgré tout, à toucher cette porte, je te demanderai d’attendre que je sois à