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Page:Maeterlinck - Berniquel.djvu/24

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TITIA, subitement tragique. — Quoi, quoi ?… C’est toi, c’est toi qui as dit ça… Mais alors où sommes-nous, qui es-tu ?… Qui suis-je et qu’est-ce que j’ai fait ma vie ?… (Se passant la main sur le front.) C’est à devenir folle. Mais ce n’est pas possible… Je n’ai pas entendu… À qui donc ai-je donné tout ce que j’ai, tout ce que j’aime et tout ce que je suis ?… Il ne me reste rien. Tout croule dans l’abîme… Je me suis trompée, j’ai été trompée toute ma vie… Ce n’est pas ta faute, je le sais. Je ne t’en veux même pas, mais j’attendais du moins un cri du cœur pour me réveiller de ce rêve effroyable et me retrouver enfin dans les bras de celui… Non, non, je ne peux plus, la vie n’est plus possible et j’aime mieux, j’aime mieux…

Suffoquant de sanglots, elle se jette dans les bras de Berniquel.

BERNIQUEL, la caressant et l’embrassant doucement. — Voyons, voyons, ma petite Titia, ne te mets pas dans des états pareils. Voyons, voyons, j’ai tous les torts, c’est entendu ; mais je ne l’ai pas fait exprès… Je ne le ferai plus… Je ne suis pas un cannibale, je ne suis pas un monstre. J’ai été un peu dur, j’en conviens, je l’avoue, mais il faut oublier… Voyons, voyons, ne sanglote pas ainsi, tu vas te faire du mal… Mais puisque je te dis que c’est fini… Dis-moi que tu pardonnes… Tu ne veux pas ?… Voyons, je ne demande rien, pas un mot, un sourire… Un petit signe… Oui, oui ? C’est oui ?… Voilà, voilà !… N’en parlons plus… Je ne le ferai plus… Allons voir ce que je t’ai rapporté de Bruxelles !

Maurice MAETERLINCK.