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Page:Maeterlinck - Berniquel.djvu/23

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TITIA. — Mais tu vois bien que c’est toujours la même chose ; qu’il n’y a au fond de tout cela qu’une seule et unique pensée, une pensée généreuse, une pensée de sacrifice qui a guidé toute ma conduite et qui guide toute ma vie ; ne pas troubler un instant le ciel de notre amour, écarter de ton bonheur, de ta tranquillité, jusqu’à l’ombre d’un nuage !… Tout le reste n’est rien, tout le reste ne compte pas pour moi… Tu sais aussi bien que moi qu’on ne trompe que ceux qu’on aime et parce qu’on les aime… Si un être aussi intelligent que toi n’arrive pas à le comprendre, c’est à désespérer de l’amour et de l’humanité…

BERNIQUEL. — Il n’y a pas moyen de discuter avec toi, tu t’échappes toujours par la tangente…

TITIA. — Quelle tangente ?… Je ne cherche pas à m’échapper… C’est moi, tout au contraire, qui te ramène sans cesse au cœur même du sujet, et tu sais bien qu’il n’y a pour moi qu’un seul sujet qui m’intéresse, c’est mon amour pour toi… Tu es injuste, mon pauvre ami, tu es cruellement injuste… Tu cherches à renverser les rôles ; tu ne te rends pas compte que, dans cette aventure, c’est moi qui perds le plus ; c’est même moi qui perds tout. Je vois tout s’effondrer autour de moi ; car si tu ne comprends pas le sacrifice que je t’ai fait, c’est que tu n’es pas l’homme que je croyais…

Premières larmes.

BERNIQUEL. — Ah ! non… Je t’en prie, pas de larmes… Je les connais, ça ne prend plus…