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Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/170

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regardons ces innocentes condamnées, nous savons bien que ce n’est pas elles seules que nous sommes près de plaindre, que ce n’est pas elles seules que nous ne comprenons point, mais une forme pitoyable de la grande force qui nous anime et nous dévore aussi.

Oui, si l’on veut, cela est triste, comme tout est triste dans la nature quand on la regarde de près. Il en sera ainsi tant que nous ne saurons pas son secret, ou si elle en a un. Et si nous apprenons un jour qu’elle n’en ait point ou que ce secret soit horrible, alors naîtront d’autres devoirs qui peut-être n’ont pas encore de nom. En attendant, que notre cœur répète s’il le désire : « Cela est triste », mais que notre raison se contente de dire : « Cela est ainsi ». Notre devoir de l’heure est de chercher s’il n’y a rien derrière ces tristesses, et pour cela il ne faut pas en détourner les yeux, mais les regarder fixement et les étudier avec autant d’intérêt et de courage que si c’étaient des joies. — Il est juste qu’avant de nous plaindre, qu’avant de juger la nature, nous achevions de l’interroger.