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Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/215

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des anthères de la sauge, qui viennent toucher à tel endroit le corps de l’insecte visiteur, pour qu’à son tour il touche à tel endroit précis le stigmate d’une fleur voisine ; suivons aussi les déclenchements successifs et les calculs du stigmate du Pedicularis Sylvatica ; voyons à

    extrémité inférieure par une rondelle visqueuse (le Rétinacle) renfermée dans une sorte de sac membraneux (le Rostellum) que le moindre contact fait éclater. Quand une abeille se pose sur la fleur, sa tête, en s’avançant pour pomper le nectar, effleure le sac membraneux qui se déchire et met à nu les deux rondelles visqueuses. Les Pollinies, grâce à la glu des rondelles, s’attachent à la tête de l’insecte qui, en quittant la fleur, les emporte comme deux cornes bulbeuses. Si ces deux cornes chargées de pollen demeuraient droites et rigides, au moment où l’abeille pénètre dans une orchidée voisine, elles toucheraient et feraient simplement éclater le sac membraneux de la seconde fleur, mais elles n’atteindraient pas le stigmate ou organe femelle qu’il s’agit de féconder, et qui est situé au dessous du sac membraneux. Le génie de l’Orchis Morio a prévu la difficulté, et, au bout de trente secondes, c’est-à-dire dans le peu de temps nécessaire à l’insecte pour achever de pomper le nectar et se transporter sur une autre fleur, la tige de la petite massue se dessèche et se rétracte, toujours du même côté et dans le même sens ; le bulbe qui contient le pollen s’incline, et son degré d’inclinaison est calculé de telle sorte qu’au moment où l’abeille entrera dans la fleur voisine il se trouvera tout juste au niveau du stigmate sur lequel il doit répandre sa poussière fécondante (voir, pour tous les détails de ce drame intime du monde inconscient des fleurs, l’admirable étude de Ch. Darwin : De la fécondation des Orchidées par les insectes, et des bons effets du croisement, 1862).