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Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/248

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lui. L’ami que nous rencontrons, la femme qui s’avance en souriant, l’amour qui ouvre notre cœur, la mort ou la tristesse qui le referment, ce ciel de septembre que nous regardons, ce jardin superbe et charmant, où l’on voit, comme dans la Psyché de Corneille, « des berceaux de verdure soutenus par des termes dorés, » le troupeau qui paît et le berger qui dort, les dernières maisons du village, l’océan entre les arbres, tout s’abaisse ou se redresse, tout s’orne ou se dépouille avant d’entrer en nous, selon le petit signe que lui fait notre choix. Apprenons à choisir l’apparence. Au déclin d’une vie où j’ai tant cherché la menue vérité et la cause physique, je commence à chérir, non pas ce qui éloigne d’elles, mais ce qui les précède, et surtout ce qui les dépasse un peu.

« Nous étions arrivés au sommet d’un plateau de ce pays de Caux, en Normandie, qui est souple comme un parc anglais, mais un parc naturel et sans limites. C’est l’un des rares points du globe où la campagne se montre complètement saine, d’un vert sans défaillance. Un peu plus au nord, l’âpreté la menace ; un peu plus au sud, le soleil la fatigue et la hâle. Au bout d’une plaine qui s’étendait jusqu’à la mer, des paysans édifiaient une meule.