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fond de leur instinct elles bâtiraient leurs rayons en plein air. Aux Indes, l’Apis dorsata ne recherche pas avidement les arbres creux ou les cavités des rochers. L’essaim se suspend à l’aisselle d’une branche, et le rayon s’allonge, la reine pond, les provisions s’accumulent, sans autre abri que les corps mêmes des ouvrières. On a vu quelquefois notre abeille septentrionale, trompée par un été trop doux, revenir à cet instinct, et on a trouvé des essaims qui vivaient ainsi à l’air libre au milieu d’un buisson[1].

Mais, même aux Indes, cette habitude qui semble innée, a des suites fâcheuses. Elle immobilise un tel nombre d’ouvrières, uniquement occupées à maintenir la chaleur nécessaire autour de celles qui travaillent la cire et élèvent le couvain, que l’Apis dorsata suspendue aux branches, ne construit qu’un seul rayon.

  1. Le cas est même assez fréquent parmi les essaims secondaires et tertiaires, car ils sont moins expérimentés et moins prudents que l’essaim primaire. Ils ont à leur tête une reine vierge et volage et sont presque entièrement composés de très jeunes abeilles en qui l’instinct primitif parle d’autant plus haut qu’elles ignorent encore la rigueur et les caprices de notre ciel barbare. Du reste aucun de ces essaims ne survit aux premières bises de l’automne, et ils vont rejoindre les innombrables victimes des lentes et obscures expériences de la nature.