Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/292

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Prosopis, comme la représentante actuelle de l’abeille primitive dont seraient nées toutes les abeilles que nous connaissons aujourd’hui.

L’infortunée Prosopis est à peu près à l’habitante de nos ruches ce que serait l’homme des cavernes aux heureux de nos grandes villes. Peut-être, sans y prendre garde, et sans vous douter que vous aviez devant vous la vénérable aïeule à laquelle nous devons probablement la plupart de nos fleurs et de nos fruits. — (On estime en effet que plus de cent mille espèces de plantes disparaîtraient si les abeilles ne les visitaient point,) et qui sait ? notre civilisation même, car tout s’enchaîne dans ces mystères, peut-être l’avez-vous vue plus d’une fois dans un coin abandonné de votre jardin où elle s’agitait autour des broussailles. Elle est jolie et vive ; la plus abondante en France est élégamment tachetée de blanc sur fond noir. Mais cette élégance cache un dénûment incroyable. Elle mène une vie famélique. Elle est presque nue alors que toutes ses sœurs sont vêtues de toisons chaudes et somptueuses. Elle ne possède aucun instrument de travail. Elle n’a pas de corbeilles pour récolter le pollen comme les Apides, ou, à leur défaut, la houppe coxale des Andrènes, ou la brosse ventrale des