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II

« L’esprit de la ruche », où est-il, en qui s’incarne-t-il ? Il n’est pas semblable à l’instinct particulier de l’oiseau, qui sait bâtir son nid avec adresse et chercher d’autres cieux quand le jour de l’émigration reparaît. Il n’est pas davantage une sorte d’habitude machinale de l’espèce, qui ne demande aveuglément qu’à vivre et se heurte à tous les angles du hasard sitôt qu’une circonstance imprévue dérange la série des phénomènes accoutumés. Au contraire, il suit pas à pas les circonstances toutes-puissantes, comme un esclave intelligent et preste, qui sait tirer parti des ordres les plus dangereux de son maître.

Il dispose impitoyablement, mais avec discrétion, et comme soumis à quelque grand devoir, des richesses, du bonheur, de la liberté, de la vie de tout un peuple ailé. Il règle jour par jour le nombre des naissances et le met strictement en rapport avec celui des fleurs qui illuminent la campagne. Il annonce à la reine sa déchéance ou la nécessité de son départ, la force de mettre au monde ses