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Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/40

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rivales, élève royalement celles-ci, les protège contre la haine politique de leur mère, permet ou défend, selon la générosité des calices multicolores, l’âge du printemps et les dangers probables du vol nuptial, que la première née d’entre les princesses vierges aille tuer dans leur berceau ses jeunes sœurs qui chantent le chant des reines. D’autres fois, quand la saison s’avance, que les heures fleuries sont moins longues, pour clore l’ère des révolutions et hâter la reprise du travail, il ordonne aux ouvrières mêmes de mettre à mort toute la descendance impériale.

Cet esprit est prudent et économe, mais non pas avare. Il connaît, apparemment, les lois fastueuses et un peu folles de la nature en tout ce qui touche à l’amour. Aussi, durant les jours abondants de l’été, tolère-t-il — car c’est parmi eux que la reine qui va naître choisira son amant — la présence encombrante de trois ou quatre cents mâles étourdis, maladroits, inutilement affairés, prétentieux, totalement et scandaleusement oisifs, bruyants, gloutons, grossiers, malpropres, insatiables, énormes. Mais la reine fécondée, les fleurs s’ouvrant plus tard et se fermant plus tôt, un matin, froidement, il décrète leur massacre général et simultané.