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Page:Magasin d'Éducation et de Récréation, Tome XIII, 1901.pdf/108

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LA GRANDE FORÊT au tertre des tamarins, dont l’issue avait été funeste, d’ailleurs ; et y avait-il lieu de croire qu’elle aurait plus de succès en cette occur­ rence ?... Peut-être,car le baobab était de taille et de grosseur à résister aux efforts des rhinocéros. Il est vrai, sa fourche ne s’ouvrait qu’à une cinquantaine de pieds au-dessus du sol, et le tronc, renflé en forme de courge, ne présen­ tait aucune saillie à laquelle la main pût s’ac­ crocher ni le pied trouver un point d’appui. Le foreloper avait compris qu’il n’v avait pas à essayer d’atteindre cette fourche. Aussi Max lluber et John Cort attendaient-ils qu’il prit un parti. En ce moment, le fouillis des broussailles en bordure du sentier remua, et la grosse tête du pachyderme apparut. Un second coup de carabine éclata. John Cort ne fut pas plus heureux que Max lluber. La balle, pénétrant au défaut de l’épaule, ne provoqua qu’une sorte de hurle­ ment plus terrible de l’animal, dont l’irrita­ tion s’accrut avec la douleur. Il ne recula pas. au contraire, et d’un élan prodigieux se préci­ pita contre le fourré, tandis que l’autre rhi­ nocéros, à peine effleuré d’une balle de Kha­ mis, se préparait à le suivre. Ni Max Huber, ni John Cort, ni le foreloper n’eurent le temps de recharger leurs armes. Fuir en directions diverses, s’éparpiller sous le massif, il était trop tard. L’instinct de la conservation les poussa tous trois, avec Llanga, à se réfugier derrière le tronc du baobab, qui ne mesurait pas moins de six mètres périphé­ riques à la base. Mais lorsque le premier rhinocéros contour­ nerait l’arbre, lorsque le. second se joindrait à lui, comment éviter cette double attaque ?... « Diable !... fit Max lluber : — Dieu plutôt ! » répondit John Cort. Et il était évident qu’il fallait renoncer à tout espoir de salut, si la Providence ne s’en mêlait pas. Sous un choc d’une effroyable violence, le baobab trembla jusque dans scs racines à faire croire qu’il allait être arraché du sol. Le rhinocéros, emporté dans un élan formi­

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dable, venait d’être arrêté soudain. A un en­ droit où s’en tr’ouvrait l’écorce du baobab, sa corne était entrée comme le coin du bûcheron dans la bûche, s’y enfonçant d’un pied. L’ani­ mal fit les plus violents efforts pour la retirer, et, même en s’arc-boutant sur ses courtes pattes, il ne put y réussir. L’autre, qui saccageait le fourré furieuse­ ment, s’arrêta, et on ne saurait se figurer ce qu’était leur fureur à tous deux ! Alors Khamis, se glissant autour de l’arbre, rampant au ras des racines, essaya de voir ce qui se passait : « En fuite... en fuite ! » cria-t-il presque aussitôt. On le comprit plus qu’on ne l’entendit. Sans demander d’explication, Max Huber et John Cort, entraînant Llanga, détalèrent au milieu des hautes herbes. A leur extrême sur­ prise, ils n’étaient pas poursuivis par les rhi­ nocéros, et ce ne fut qu’après cinq minutes d’une course essoufflante qu’ils firent halte sur un signe du foreloper. « Qu’cst-il donc arrivé ?... »> demanda John Cort, dès qu’il eut repris haleine. — L’animal n’a pu retirer sa corne du tronc de l’arbre... répondit Khamis. — Tudieu ! s’écria Max Huber, c’est le Milon de Crotone des rhinocéros... — Et il finira comme ce héros des jeux olympiques ! » ajouta John Cort. Khamis, se souciantpcu de savoir ce qu’était ce célèbre athlète de l’antiquité, se contenta de répondre : « Enfin... sains et saufs, mais au prix de quatre ou cinq cartouches, brûlées en pure perte ! — C’est d’autant plus regrettable que le rhinocéros, ça se mange, si je suis bien informé, dit Max Huber. — En effet, répondit Khamis, quoique la chair ait un fort goût de musc... Nous laisserons celui-là où il est... — Se décorner tout à son aise ! » répliqua Max lluber. Il n’eût pas été prudent de retourner ait baobab. Les mugissements des deüx animaux retentissaient toujours sous la ; futaie. Après um