LA GRANDE FORÊT qu’il trouverait l’occasion de filer sous bois, ce dernier abandonnerait son sauveur avec cette ingratitude dont les hommes n’ont point le monopole. Il est vrai, si Llanga était venu dire à John Cort, à Max Huber et même à Khamis : « 11 parle,ce singe !... Il a répété trois ou quatre fois le mot « ngora », peut-être leur attention eût-elle été éveillée, leur curiosité aussi !... Peut-être l’eussent-ils examiné avec plus de soin... ce petit animal !... Peut-être auraientils découvert en lui quelque échantillon d’une race incon nue jusqu’alors, celle des quadrumanes parlants ?... Mais Llanga se tut, crai gnant de s’être trompé, d’avoir mal entendu. 11 se promit d’observer son protégé et, si le mot « ngora » ou tout autre s’échappait de ses lèvres ; il préviendrait aussitôt son ami John et son ami Max. C’est donc une des raisons pour lesquelles il demeura sous le taud, où il essayait de donner un peu de nourriture à son protégé,qui pouvait être affaibli par un long jeûne. Sans doute, le nourrir serait ma laisé, les singes étant frugi vores, et Llanga n’avait pas un seul fruit à lui offrir, rien que de la chair d’antilope dont il ne s’accom moderait pas.D’ailleurs une fièvre assez forte ne lui eût pas permis de manger et il restait dans une sorte d’assoupissement. « Et comment va ton singe ?... demanda Max Huber à Llanga, lorsque celui-ci, une heure après le départ, sortit du taud. — 11 dort toujours, mon ami Max ! — Et tu tiens à le garder ?... — Oui... si vous permettez... — Je n’y vois aucun inconvénient, Llanga !... Mais prends garde qu’il ne te griffe...
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— Oh ! mon ami Max ! — 11 faut se défier !... C’est mauvais comme un chat, ces bêtes-là !... — Pas celui-ci !... Il est si jeune !... Il a une petite figure si douce !...
— A propos, puisque tu veux en faire ton camarade, occupe-toi de lui donner un nom... — Un nom ?... Lequel ?... — Jocko, parbleu !... Tous les singes s’ap pellent Jocko ! » Il est probable que ce nom ne convenait pas à Llanga. Il ne répondit rien et retourna près de son protégé. Pendant cet après-midi, la navigation fut favorisée et on n’eut point à trop souffrir de la chaleur. La couche de nuages était assez épaisse pour que le soleil ne pût la traverser.
