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Page:Magasin d'Éducation et de Récréation, Tome XIII, 1901.pdf/246

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EN FINLANDE

régalions dans nos pique-niques, en pensant qu’au siècle dernier encore les Finlandais en étaient réduits au navet comme base de leur alimentation.

Pendant notre été si court, mais si chaud, des fleurs aux vives couleurs égaient nos solitudes ; les lacs ont leur flore, les bouleaux montent bien haut, vers le nord, plus loin que le pin et le sapin, et, dans nos contrées septentrionales, les rocs dénudés sont tapissés de lichens sans lesquels ne vivraient point les rennes, la grande ressource du Nord.

Combien nous les aimons, ces forêts, à la fois la beauté et la richesse de la Finlande. Je trouvais presque criminel de les couper. J’avais parfois rencontré des cargaisons flottantes de bois ; ces « flotteurs » arrêtés par les neiges et les glaces mettent de longs mois, presque des années à accomplir leur voyage jusqu’à la scierie où on les travaille et d’où ils repartent ensuite pour être débités dans le monde entier sous forme de planches, de poutres, de pièces de menuiserie, portes, fenêtres, etc., et jusqu’à des chalets démontés, tout agencés et prêts à être ajustés. Il faut voir les flotteurs descendre lentement le fil de l’eau, les hommes leur donnant de l’impulsion ou ralentissant leur marche au moyen de longues gaffes, les femmes tirant vaillamment la corde de halage. Hélas ! on coupe, on coupe, chaque arbre ayant une valeur, et les centenaires disparaissent. Les forêts semblent une mine inépuisable, d’où partent des barils de goudron, des mâts, des objets menuisés et d’innombrables rouleaux de pâte à papier, immenses ballots de pulpe de bois préparée, blanchie, séchée, comprimée, et prête à faire non seulement du papier, mais encore, depuis de récentes découvertes, des objets sans nombre, planchers, cloisons, meubles, et jusqu’à des bateaux et des bicyclettes. Malheureusement, elle s’épuisera un jour, cette mine où nous puisons sans relâche ; au siècle prochain, nos forêts seront dépeuplées et nos contrées stérilisées si on ne les met en coupe réglée.

Avec une prodigalité sans pareille, nous nous parons de jeunes sapins ou de bouleaux nains, comme d’autres se parent de fleurs communes, qui, au printemps suivant, repoussent dans la prairie, plus fraîches et plus nombreuses. À la Noël, à la Saint-Jean, au 1er mai, nos cours, nos maisons disparaissent sous des rideaux de verdure au détriment de la forêt voisine. Ils ont l’air, malgré leurs gais rubans ou leurs décorations de fleurs artificielles, de pleurer leur mort prématurée, ces jeunes arbres faits pour devenir centenaires ; mais nous ne voyons que leur beauté, la grâce de leurs rameaux élancés ou de leurs palmes majestueuses.

Nous avions, comme de juste, célébré la fête du Printemps. Nous avions arboré un mai aux banderoles éclatantes, aux longs rubans flottant au vent, nous avions élu une reine de mai, et dansé gaiement autour de l’arbre, dans la cour tapissée de verts feuillages.

Bientôt arriva la Saint-Jean, — les jours passent comme les nuées sur un ciel d’été, — déjà la Saint-Jean, fête nationale en même temps que religieuse, fête traditionnelle et aussi ressouvenir des fêtes païennes !… Alignés contre le mur, leurs troncs formant le long des murailles une fresque de marbrures argentées, leurs feuilles mouvantes, une frise d’émeraude dentelée, les bouleaux paraient délicieusement nos domaines, et notre joie se manifestait par des rires et des danses.

Autour de nous, chacun se réjouissait, chacun dansait et riait aussi. C’était la Saint-Jean, renouveau de la nature, symbole de la vie éternelle : grands et petits, tous étalaient leur bonheur naïvement. En longues théories d’enfants, de jeunes gens, d’hommes faits, de mères de famille et de vieillards, on allait sur les hauteurs, où des marchands, déjà installés avec leurs provisions, offraient leur marchandise : gâteaux, biscuits, bonbons, fruits secs, mets plus substantiels et boissons, et ce furent comme de grandes agapes fraternelles, chacun partageant volontiers avec son voisin, toute requête accordée, si timidement qu’elle fût formulée.

La journée ne fut qu’une longue suite de plaisirs. Que dis-je, toute la journée ? Il n’y eut pas de fâcheux crépuscule qui vint nous