LA GRANDE FORÊT
sédaient des intérêts considérables clans la factorerie américaine de Glass, où tous deux occupaient des emplois’supérieurs. Cet éta blissement se maintenait en ^pleine fortune, faisant le trafic de l’ivoire, des huiles d’ara chides, du vin de palmes, des diverses productions du pays : telle la noix du gourou, apéritive et vivifiante ; telle la baie de Kaffa, d’un arôme si pénétrant et d’énergie si for tifiante, largement expédiées sur les marchés de FAmérique et de l’Europe. Trois mois auparavant, Max lluber et John Cort avaient formé le projet de visiter la région qui s’étend à l’est du Congo français et du Caméroun. Chasseurs détermi nés, iis n’hésitèrent pas à se joindre au personnel d’une ca ravane sur le point de quitter Libreville pour cette contrée où les éléphants abondent, au delà du Bahar cl Abiad, jusqu’aux confins du Barghimi et du Darfour. Tous deux con naissaient le chef de cette ca ravane, le Portugais Lrdax, originaire de Loango, et qui passait, à juste titre, pour un habile trafiquant. Lrdax faisait partie de cette Association des chasseurs d’ivoire que Stanley, en 1887-1889, rencontra à Ipoto, alors qu’elle revenait du Congo septentrional. Mais le Por tugais ne partageait pas la mauvaise réputa tion de ses confrères, lesquels, pour la plupart, sous prétexte de chasser l’éléphant, se livrent à des razzias sanguinaires, et dont, ainsi que le dit l’intrépide explorateur de l’Afrique équa toriale, chaque parcelle d’ivoire est teinte de sang humain. Non ! un Français et un Américain pouvaient, sans déchoir, accepter la compagnie d’Urdax, et aussi celle du forelopcr, le guide de la
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caravane, ce Khamis, qui ne devait en aucune circonstance ménager ni son dévouement ni son zèle. La campagne fut heureuse, on le sait. Très acclimatés, John Cort et Max lluber suppor
tèrent avec une remarquable endurance les fatigues de cette expédition. Un peu amaigris, sans doute, ils revenaient en parfaite santé, lorsque la mauvaise chance leur barra la route du retour. Et, maintenant, le chef de la caravane leur manquait, alors qu’une distance de quinze à seize cents kilomètres les séparait encore de Libreville. La « Grande Foret », ainsi l’avait qualifiée Urdax, cette forêt d’Oubanghi dont ils avaient franchi la limite, justifiait cette qualification. Dans les parties connues du globe terrestre,