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ÉD. GRIMARD

autant que ses protégées. L’expédition dura cinq jours. On calma « le père Grognibus » avec de bonnes paroles et une légère indemnité pour les dégâts commis par un petit pensionnaire trop turbulent, on visita tous les enfants patronnés par le comité, on remit à chacun quelques friandises apportées de la ville, et on rentra chez soi plus convaincu que jamais de l’utilité de l’entreprise.

À quelque temps de là, les ressources pécuniaires ayant baissé sans que les demandes eussent cessé d’arriver, Mme de Clermont pressa les jeunes filles de sa connaissance de donner suite à leurs projets, et Marie, en se mêlant à elles, eut l’occasion de faire d’agréables connaissances. Une fête enfantine eut lieu à la fin de juillet sous les auspices du comité, et quelqu’un qui aurait vu Marie à l’œuvre comme organisatrice des jeux, ne se serait jamais douté que c’était là la pauvre abandonnée qui avait versé ses doléances dans le cœur de Mme de Clermont.

La brave fillette n’a plus connu l’ennui : son cœur et son esprit ont été trop remplis de pensées pour le service des autres.


F. Dupin de Saint-André.

MONOGRAPHIES VÉGÉTALES


LÉGUMINEUSES ET SOLANÉES (Suite.)


L’on sait que la pomme de terre, originaire des Cordillères du Pérou et du Chili, nous fut apportée au xvie siècle par les Espagnols. Profonde et tenace fut la méfiance qui tout d’abord accueillit cette nouvelle venue. L’on craignait toujours qu’elle ne recélât quelque principe dangereux comme plusieurs de ses congénères, et il ne fallut rien moins, pour en étendre la culture et en vulgariser l’emploi, que le zèle infatigable d’un chimiste universellement connu. Parmentier et la pomme de terre ou parmentière — nom qu’on aurait dû lui laisser — sont désormais inséparables dans l’histoire de notre morelle.

Cet honnête philanthrope — je parle de Parmentier — sut le premier pressentir et mesurer toute l’importance des services que la solanée américaine pouvait rendre à l’humanité. Il fit part de ses espérances à Louis XVI qui les partagea, et qui, pour la faire accepter par la mode — cette despotique souveraine dont l’autorité l’emporte sur toutes les puissances de la terre — se montra dans une fête publique, tenant à la main un bouquet composé de fleurs violettes de la morelle tant discutée. Ce bouquet original excita la curiosité. On chercha à l’imiter au moyen de fleurs artificielles qui bientôt furent remplacées par des fleurs véritables, car chacun en voulut avoir dans son jardin comme plante d’agrément, et les seigneurs de la cour, pour plaire au roi, envoyèrent des pommes de terre à leurs fermiers, avec ordre de les planter et de les cultiver avec soin.

Cette première tentative que favorisa seul une sorte d’engouement passager, échoua contre la répugnance des paysans qui refusaient de toucher à ces tubercules équivoques, les croyant bons tout au plus pour les animaux de leur basse-cour. Il fallut que Parmentier intervînt à nouveau, en consacrant sa fortune et presque sa vie entière à cette œuvre philanthropique. Il acheta des terres et les ensemença de sa chère solanée. La première année, il en vendit à très bas prix, et les acheteurs, cependant, demeurèrent fort rares. La seconde année, il en fit des distributions gratuites, mais personne n’en voulut. Le pauvre philanthrope ne savait plus que faire, lorsqu’il lui vint une idée lumineuse. Il s’adressa aux vilaines passions humaines et trouva dès lors ce qu’il cherchait dans cette mine inépuisable.

« Défense expresse est faite de toucher à ces champs de pommes de terre ! » crièrent des hommes payés qui, à son de trompe, ras-