fut repoussée si brusquement qu’un des rabans cassa net, et la roue dévira avec une telle force que deux timoniers n’auraient pu la maintenir.
« Aux embarcations !… aux embarcations ! »
Ce fut le cri général, et, cependant, tous n’auraient pu y trouver place !…
M. Bourcart comprit qu’il ne serait plus maître à bord s’il ne sévissait contre l’auteur de ce désordre. Aussi, allant au tonnelier debout au pied du grand mât :
« C’est à vous, Cabidoulin, s’écria-t-il, que je m’en prends de ce qui arrive !…
— À moi… capitaine ?…
— Oui !… à vous !… »
Et s’adressant à maître Ollive :
« Mets-le aux fers… à fond de cale !… »
Des protestations s’élevèrent. Et, alors, le tonnelier de répondre d’une voix calme :
« Moi… aux fers, capitaine !… Est-ce donc parce que j’ai dit la vérité ?…
— La vérité ?…. s’écria M. Bourcart.
— Oui !… la vérité ! » répéta Jean-Marie Cabidoulin.
Et, comme pour appuyer ce qu’il venait de dire, voici que le navire se soulève de l’avant à l’arrière dans un violent mouvement de tangage. En même temps, des mugissements terribles se font entendre à quelques encâblures en direction du sud. Puis une énorme lame se dresse contre le Saint-Enoch, et, au milieu des ténèbres, il est emporté avec une incalculable vitesse à la surface du Pacifique.
(La suite prochainement.) JULES VERNE.