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Roque, pointe nord-est du Brésil, le commandant de la Pauline, George Drivor, crut apercevoir un énorme serpent enroulé autour d’une baleine contre laquelle il luttait comme fait un boa constrictor. Ce serpent, dont la couleur était celle du congre, devait avoir de cent soixante à cent soixante-dix pieds de longueur. Il jouait avec sa proie et finit par l’entraîner dans les profondeurs de la mer.

Tels sont les derniers faits relevés depuis une trentaine d’années dans les rapports des capitaines. Peuvent-ils laisser des doutes sur l’existence de certains animaux marins tout au moins fort extraordinaires ? En faisant la part de l’exagération, en refusant d’admettre que les océans soient fréquentés par des monstres dont le volume serait dix fois, cent fois celui des plus puissantes baleines, il est très probable qu’il faut accorder quelque créance aux récits rapportés ci-dessus.

Quant à prétendre avec Jean-Marie Cabidoulin que la mer renferme des êtres, serpents ou poulpes d’une telle grosseur et d’une telle vigueur qu’ils parviendraient à couler des navires de fort tonnage, non. Si nombre de bâtiments disparaissent sans qu’on n’en ait plus de nouvelles, c’est qu’ils ont péri par collision, c’est qu’ils se sont brisés sur les récifs, c’est qu’ils ont sombré sous voile au milieu des cyclones. Il y a assez, il y a trop de causes de naufrages, sans faire intervenir, comme le faisait l’entêté tonnelier, ces pythons, ces chimères, ces hydres extra-naturels.

Cependant les calmes se prolongeaient, au grand ennui des officiers et de l’équipage du Saint-Enoch. Rien ne permettait d’en prévoir la fin, lorsque, le 5 mai, les conditions atmosphériques se modifièrent brusquement. Une fraîche brise se leva et le navire reprit sa route vers le nord-est.

Ce jour-là, un bâtiment, qui avait été déjà signalé comme suivant la même direction, reparut et se rapprocha même à moins d’un mille.

Personne à bord ne mit en doute que ce ne fût un baleinier. Ou il n’avait pas encore commencé sa campagne de pêche, ou elle n’avait pas été heureuse, car il semblait assez lège et sa cale devait être à peu près vide.

« Je croirais volontiers, dit M. Bourcart, que ce trois-mâts cherche à rallier comme nous les côtes de la basse Californie… peut-être la baie Marguerite…

— C’est possible, répondit M. Heurtaux, et,