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Paulina Barnett que le grand salon de la factorerie retentissait de joyeux hurrahs.

Et si pendant cette mémorable soirée, le poêle consomma un quintal de charbon, c’est qu’un froid de. vingt-quatre degrés Fahrenheit au-dessous de zéro (32° centigr. au-dessous de glace) régnait au dehors, et que le Fort-Reliance est situé par 61° 47’de latitude septentrionale, à moins de quatre degrés du cercle polaire.

JULES VERNE.

La suite prochainement.

(Reproduction et traduction interdites.)


LA JUSTICE DES CHOSES

ÉDOUARD IMPRUDENT

Le jeudi suivant, pour occuper la récréation de l’après-midi, Victor, Ernest, Charles et Jules, avec Édouard, projetèrent d’aller faire ensemble une visite au menhir de Salvillage, à une lieue de là environ.

Vous savez, n’est-ce pas, ce que c’est que ces grandes pierres qui, sous le nom de menhirs, peulvans, dolmens, cromlechs, etc., se rencontrent un peu partout en France, mais surtout au nord de la Loire ? Ou plutôt vous ne savez rien de certain à cet égard, non plus que les savants eux-mêmes ; mais du moins vous avez vu, ne serait-ce qu’en gravures, ces monuments primitifs, et l’on vous a dit qu’ils sont rapportés généralement à l’époque des druides, bien qu’ils puissent être beaucoup plus anciens. Toujours est-il qu’on ressent à voir ces masses énormes, évidemment disposées par la main de l’homme, un grand étonnement, qui donne carrière à bien des suppositions et à bien des rêves.

Quelle fut la pensée que les hommes d’autrefois y attachaient ? Ces grandes pierres, qui semblent pensives dans leur silence et leur immobilité, ne la disent point.

Quel fut le moyen employé pour soulever et transporter de telles masses, à une époque où, selon toute apparence, la science de la mécanique était inconnue ? — On l’ignore.

Le menhir de Salvillage a vingt et un ou vingt-deux mètres de haut, et l’homme qui se place tout petit au bas de cette grande pierre, plantée comme un pieu dans une prairie, se demande si des peuples géants n’ont point autrefois habité la terre.

M. Ledan, auquel ses élèves allèrent communiquer leur, projet, n’y mit point obstacle, et les engagea seulement à ne point dépasser l’heure du dîner. Puis, comme ils partaient, il les rappela :

« Au moins, leur dit-il, pas d’imprudence ; vous surtout, Édouard, qui allez de ce côté pour la première fois. Le pays est rempli de logis souterrains…

— Oh ! soyez tranquille, monsieur, s’écria Édouard d’un ton assuré, je sais ce que c’est. »

Ils se mirent gaiement en route.

Édouard avait vu à Trèves des habitations creusées dans la pierre du coteau ; car tout ce pays est un grand plateau de tuf, sorte de pierre très-molle qu’on peut couper au couteau dans la carrière, et qui durcit à l’air. On exploite cette pierre à Trèves, et le rivage y est bordé de grands