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énormes, soit une grêle abondante qui va fouetter le sol ou faire écumer les flots de la mer. En même temps s’élève un bruit confus, étrange, comme des voix désespérées qui crieraient l’arrivée du cyclone.

Les marins anglais nomment ce gémissement l’appel de la mer. Par moments les roulements du tonnerre et les éclats de la foudre couvrent les lamentations de la tempête. C’est au milieu de ce concert sinistre, de ces hurlements, de ces râles, de ces canonnades furibondes, que surgit le cyclone. Le tourbillon se forme ; il parcourt la surface des terres ou bondit à la cime des vagues, avec la vitesse vertigineuse de ces chasseurs de la légende entraînés dans un vol fantastique par des génies malfaisants. À l’intérieur du cyclone règne parfois un calme relatif ; mais parfois aussi des trombes, des soulèvements formidables, forment le centre et comme le pivot de cet ouragan circulaire.

GASTON TISSANDIER.

La suite prochainement.


LA JUSTICE DES CHOSES
LE SALON D’AMINE. — VICTOR
Seconde partie.

« Je n’avais guère le temps de la réflexion ; mais ne voulant à aucun prix renoncer à mon entreprise, je me jette dans le sapin. Naturellement, les aboiements n’en deviennent que plus furieux. La bête enragée me suit, met les pattes sur le tronc de l’arbre, puis court vers Ja maison, revient sous le sapin, fait un vacarme d’enfer. Nul doute, on allait venir ; le chien indiquait mon refuge, et j’allais être la proie de mes ennemis. Il fallait à tout prix me débarrasser du caniche. Je redescendis quelques branches, et là tout près de lui, qui s’animait d’une rage plus vive et s’efforçait de me planter ses crocs dans les pieds, je visai les deux globes de feu, et j’y lançai le contenu de ma sarbacane. Aussitôt, l’aboiement commencé s’éteignit dans un hurlement de douleur, et le caniche éperdu, tournant sur lui-même, se répandit en cris de détresse, en cherchant son chemin vers la maison. Pendant ce temps, moi, je m’élançais au haut du sapin.

« Cependant la porte de la chambre s’ouvre : je reste coi, retenant mon souffle.

— Grand Dieu ! qu’est-ce que c’est ? Qu’as-tu, mon bichon ? Oh ! la pauvre bête ! Léonard ! mais viens donc ! Marie ! Marie ! vite de la lumière ! » Et la dame prend le caniche dans ses bras, en cherchant à le calmer. Bichon n’en hurlait pas moins. La lumière arrive, et l’on voit Bichon se frotter frénétiquement les yeux avec ses pattes, en continuant de gémir.

« De l’eau ! s’écrie la dame ! de l’eau ! c’est quelque chose qu’il a dans les yeux. Vite, Marie. — Mais qu’est-ce qui peut lui être arrivé ? Contre qui aboyait-il ? Voilà ce que je veux savoir, moi, dit la grosse voix de Léonard. Marie, n’emporte pas la lumière ; je veux… — Il faut avant tout soigner cette pauvre bête, s’écria la maîtresse de Bichon. — Et pendant ce temps le brigand m’échappera ! cria mon ennemi, inspiré par la haine. Marie, je te dis de rester ici avec la lumière. — Vous n’avez pas de cœur ! » lui dit sa femme en colère. Et elle entraine la bonne sur ses pas, jusqu’à la maison. Là, sur le palier, se retournant dans un bon mouvement : « Prends garde ! si c’étaient des brigands, ne va pas t’exposer comme ça, Léo-