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Charles, de l’air réfléchi, et même doctoral, qu’il avait parfois, objecta que cette règle-là, si toutefois c’était une règle, lui paraissait pleine d’exceptions.

« Affirmer ne suffit pas, dit M. Ledan, il faut des exemples.

— J’en chercherai, répondit Charles, qui était fort ergoteur.

— Moi aussi, dit Jules. »

Il semblait que ces messieurs trouvassent madame la Justice des choses impertinente de se mêler ainsi de leurs affaires et que, s’attendant à quelques mauvais tour de sa part, ils voulussent aussi lui en jouer un, et tout d’abord se réserver le droit de la Contester en prouvant qu’elle n’était point infaillible.

« Fort bien, dit M. Ledan ; cherchez. En cherchant, on trouve toujours quelque chose. Mais veuillez, je vous en prie, nous faire part de vos observations, car la chose nous intéresse tous, et de façon grave. S’il était bien prouvé qu’on ne peut mal faire sans s’en trouver mal, que le méchant est sa propre dupe, et qu’en un mot, nos vices et nos défauts sont avant tout des sottises, — ma foi, il me semble que nous serions bien près de vouloir être bons, tous, c’est-à-dire heureux, au lieu de nous dévorer les uns les autres, comme nous l’avons fait avec tant de succès, depuis, et avant les temps historiques. Oui, la chose vaut la peine d’être examinée. Que chacun de nous donc interroge sa conscience, ses souvenirs, et qu’à un jour fixé… Combien vous faut-il de temps ?

— Demain, s’écria Jules étourdiment.

— Huit jours ne sont pas de trop, répondit Charles.

— Non certes, dit M. Ledan, et je propose plutôt dimanche en huit, ce qui fera dix jours environ. Nous nous réunirons dans le salon du jardin d’Amine, et là, bien assis dans nos fauteuils de mousse, et tous face à face, nous nous livrerons sur preuves authentiques à l’examen de ce grand problème. »

Chacun promit d’y songer et de raconter à son tour ce qu’il trouverait à cet égard dans ses souvenirs.

Lucie B.

La suite prochainement.


HISTOIRES RENCONTRÉES DANS LE BROUILLARD

PAR P.-J. STAHL. — DESSINS PAR FÉRAT

J’écarquillais les yeux pour en découvrir la cause, mais ce furent mes pieds qui la trouvèrent. Je marchais à la lettre sur quelqu’un, qui, se sentant touché, poussa un cri. Ce n’était pas un cri d’homme, la voix était fraîche et jeune. Je me baissai ; de mes bras tâtonnants je rencontrai deux bras, que j’essayai d’attirer à moi pour remettre sur ses pieds la personne à laquelle ils devaient appartenir. C’était une jeune femme ; elle était assise par terre, sur le trottoir humide,