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Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/121

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« — Et ce site ? — Et cet autre ? »

« Enfin, petit frère, il me fallut apprendre, une demi-heure durant, de quelles merveilles je m’étais privée. Mon père me regardait avec un sourire narquois ; Mais mon cousin s’amusait autrement, et moi j’avais envie de pleurer de dépit de me voir ainsi mystifiée, d’autant plus que je ne le devais qu’à moi-même.

« Voilà mon aventure, mon cher Édouard, et avoue que je suis généreuse d’exposer ainsi mes sottises pour ton édification. Je t’assure que si je retourne l’année prochaine dans l’Orléanais, comme nos cousins ont eu la bonté de m’y inviter, j’y porterai de gros souliers et de simples robes, et revêtirai au besoin, comme Caroline, la cape de bure accompagnée des gros sabots. Et nous courrons ensemble les champs, les bois, les guérets, sans plus de cérémonie que les perdrix du pays. Et comme ce sera charmant et bon ; car c’est si gênant, la mode, la toilette, et la vanité.

« Mais c’est effrayant ce que j’ai consacré de pages à te raconter mes ridicules, au point qu’il ne me reste plus de place pour le bien. Car j’ai aussi, Monsieur, un bon exemple à vous offrir. Et c’est par l’autre que j’ai commencé ! Suis-je assez modeste. Au moins, ce bon exemple ne sera-t-il pas perdu, car ce sera pour ma prochaine lettre ; et elle ne tardera pas. J’ai besoin de ma revanche.

« En attendant, je t’embrasse, petit frère, sur ces bonnes petites joues que tu me dis être redevenues fraiches et pleines, ce dont je suis bien reconnaissante à la famille Ledan et au bon air de l’Anjou. Tu peux assurer à Mademoiselle Amine que je désire ardemment la voir, pour l’aimer, bien entendu. Papa et maman m’ont donné pour toi deux gros baisers. Pauvre Loujou ! quand l’arriveront-ils sans intermédiaire ? Je t’aime de tout mon cœur. Ta petite sœur. « ADRIENNE. »

— Merci, dit Amine, pour le passage qui me concerne. Moi aussi, Édouard, je voudrais la connaître, votre sœur ; car elle me paraît fort aimable. Et puisqu’elle veut bien être mon amie, je me permettrai de prendre ses intérêts. Peut-être auriez-vous eu besoin de sa permission pour lire cette lettre, Édouard.

— J’y ai bien pensé, répondit-il. Mais j’ai pensé aussi que si ma sœur eût été avec nous, elle eût, comme les autres, sacrifié son amour-propre au désir de nous être utile. N’est-ce pas ce qu’elle a fait pour moi dans sa lettre ? Eh bien, je suis sûr qu’elle l’eût fait de même pour vous. D’ailleurs, par la bonne grâce avec laquelle elle se raille elle-même, il me semble que son petit ridicule est bien effacé. On sait qu’il n’y a personne de parfait, et cela est si estimable de reconnaître ses fautes que je suis certain de n’avoir fait tort à Adrienne dans l’esprit de personne ici.

— Non ! non ! certainement ! s’écria-t-on de tous côtés.

— Tout cela est vrai, dit M. Ledan. Cependant, rappelons-nous qu’il est toujours extrêmement délicat de livrer à la publicité une lettre intime, et qu’avant de le faire, on doit être moralement sûr du consentement de la personne et même encore, Si possible, l’avoir reçu. Je crois comme Édouard au consentement de Mlle Adrienne ; mais je réclame d’autant plus après cette première lettre la seconde, celle qui contient sa revanche, comme elle le dit.

— C’est que je ne l’ai pas encore cette lettre, dit Édouard.

— Nous l’attendrons, reprit M. Ledan. Maintenant veux-tu prendre la parole, mon amie ? demanda-t-il à sa femme.

— Volontiers. »

Et Mme Ledan parla ainsi :

Lucie B.

La suite prochainement.