d’ailleurs, en fréquentes relations avec les factoreries, et ce commerce les a pour ainsi dire « britannisés, « autant que peut l’être un sauvage. C’est aux forts qu’ils portent les produits de leur chasse, et c’est aux forts qu’ils les échangent contre les objets nécessaires à la vie, que, depuis quelques années, ils ne fabriquent plus eux-mêmes. Ils sont, pour ainsi dire, à la solde de la Compagnie ; c’est par elle qu’ils vivent, et l’on ne s’étonnera plus qu’ils aient déjà perdu toute originalité. Pour trouver une race d’indigènes sur la- quelle le contact européen n’ait pas encore laissé son empreinte, il faut remonter à des latitudes plus élevées, jusqu’à ces gla- ciales régions fréquentées par les Esqui- maux. L’Esquimau, comme le Groënlan- dais, est le véritable enfant des contrées polaires. Mrs. Paulina et Jasper Hobson se ren- dirent au campement des Indiens-Lièvres, situé à un demi-mille du rivage. Là, ils trouvèrent une trentaine d’indigènes, hommes, femmes et enfants, qui vivaient de pêche et de chasse, et exploitaient les environs du lac. Ces Indiens étaient précisément revenus tout récemment des territoires situés au nord du continent amé- ricain, et ils donnèrent à Jasper Hobson quelques renseignements, fort incomplets
il est vrai, sur l’état actuel du littoral aux
environs du soixante-dixième parallèle. Le
lieutenant apprit, cependant, avec une
certaine satisfaction, qu’aucun détache-
ment européen ou américain n’avait été vu
sur les confins de la mer polaire, et que
cette mer était libre à cette époque de
l’année. Quant au cap Bathurst propre-
ment dit, vers lequel il avait l’intention
de se diriger, les Indiens-Lièvres ne le
connaissaient pas. Leur chef parla, d’ail-
leurs, de la région située entre le Grand-
Ours et le cap Bathurst comme d’un pays
difficile à traverser, assez accidenté et
coupé de rios dégelés en ce moment. Il
engagea le lieutenant à descendre le cours
de la Coppermine-river, daus le nord-est
du lac, de manière à gagner la côte par le
plus court chemin. Une fois la mer polaire
atteinte, il serait plus aisé d’en suivre les
rivages, et Jasper Hobson serait maître alors
de s’arrêter au point qui lui conviendrait.
Jasper Hobson remercia le chef indien,
et prit congé de lui, après lui avoir fait
quelques présents. Puis, accompagnant
Mrs. Paulina Barnett, il visita les environs
du campement, et ne revint trouver l’em-
barcation que vers trois heures après-midi.
JULES VERNE.
La suite prochainement.
(Reproduction et traduction interdites.)
LE SALON D’AMINE — JULES — LA TIMIDITÉ
Voilà Jules échauffé, dit Charles en riant.
- Eh bien ! continuez, Jules, dit Amine.
- C’est que j’aurais à parler aussi de la timidité. Cela c’est beaucoup plus difficile à détruire que la poltronnerie, et je n’y ai pas si bien réussi. Pourtant, c’est bien comme une autre peur, une peur qu’on a des autres et de soi-même, et qui vous lie la langue, les bras et les jambes à ne pouvoir bouger. Celle-là aussi fait beaucoup souffrir et elle donne l’air d’un sot,