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Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/18

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ce qui est très-ennuyeux. Elle m’a déjà joué plus d’un mauvais tour ; mais il en est un surtout qui me semble utile à dire :

« Nous faisions, pendant les vacances, un voyage dans notre famille, et nous étions chez un de mes oncles, à la campagne. Il avait des voisins qu’il voyait souvent et dont il parlait avec amitié. C’étaient des gens qui élevaient eux-mêmes leurs enfants, et les élevaient très-bien, disait mon oncle. Ils avaient des professeurs pour les aider, s’étant associés à d’autres amis qui avaient aussi des enfants. Mon oncle voulut nous les faire connaître, et nous y allèmes passer une journée,

« J’aimais bien à voir du nouveau : mais c’eût été à condition de rester dans un petit coin et de n’être présenté à personne. L’idée de me trouver en face de nouvelles figures me faisait toujours trembler. J’avais eu déjà bien de la peine à faire connaissance avec les enfants de mon oncle, et j’étais encore tout gauche avec eux.

« Arrivé dans la maison, je me trouvai jeté au milieu d’une troupe d’enfants, filles et garçons, qui tous, ou presque tous, avaient les figures les plus ouvertes et des allures vives et spontanées. Ils avaient l’air, ceux-là, de n’être embarrassés de rien, et de ne pas même soupçonner que la timidité existât au monde ; ils se mouvaient dans la vie comme des poissons dans l’eau. Élevés en pleine liberté dans cette campagne, ils agissaient en toutes choses avec aisance et simplicité. Comme je me tenais collé à ma mère, deux d’entre eux vinrent à moi et me dirent : « — Nous allons jouer au jardin ; ne venez-vous pas avec nous ? »

« Je ne trouvai pas une parole à répondre, et ne pus me décider à quitter ma mère ; mais elle se hâta de dire, en me poussant doucement, que je serais charmé de les suivre. Je les suivis.

« Chemin faisant, la moitié de l’essaim s’’empara de cordes à sauter et se dirigea vers les jardins en se livrant à cet exercice. On m’offrit une corde, que je refusai. Je ne savais pas plus sauter à la corde que je ne savais bien d’autres jeux ; car, si je ne réussissais pas du premier coup, et que ma maladresse excitât le moindre rire, je ne voulais plus recommencer.

« Nous arrivâmes ainsi au gymnase : toute la bande passa sur le tremplin, en se livrant, chacun selon sa force et son agilité, aux bonds les plus divers. Je n’osai me dispenser de faire comme les autres ; mais, saisi de cette crainte d’être ridicule qui paralyse tous les mouvements, je sautai gauchement, en faisant le gros dos, et d’un air effaré, qui fit partir autour de moi dix éclats de rire. Ils n’y mettaient pas de malice, et riaient de même les uns des autres, à l’occasion, mais cela me mortifia à l’excès, et me changea du coup en Statue. Je me bornai dès lors à contempler leurs exercices et leurs jeux, en

refusant obstinément d’y prendre part.

« — Qu’est-ce qu’il a donc ? dit une des fillettes à mon cousin, en me montrant. Il est bien drôle. Pourquoi ne veut-il rien faire ? »

« Ce mot et quelques autres pareils, au lieu de m’engager à agir autrement, changèrent ma timidité en bouderie, et je me crus engagé d’honneur à soutenir le triste rôle que j’avais choisi, et qui pourtant m’ennuyait beaucoup.

« Cependant, après la gymnastique, après le croquet, on fit une partie de boule, J’y étais adroit, par exception, et j’aurais alors bien voulu jouer ; mais il eût fallu qu’on m’en priât. Or, mes compagnons croyaient sans doute que c’était de ma part un parti-pris de ne pas jouer, ou, ce qui était assez naturel, ils avaient fini par oublier entièrement un si triste personnage. Il eût été bien simple que de