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Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/220

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LA JUSTICE DES CHOSES

LE SALON D’AMINE — LE BON EXEMPLE D’ADRIENNE

Pourquoi Charles a-t-il eu l’air gêné pendant cette histoire ? Peut-être parce que Victor, Ernest, Édouard, le regardaient un peu trop. C’est aussi pour cela peut-être que M. Ledan, coupant court aux observations qui pouvaient vouloir se faire malignes, passa aussitôt la parole à Édouard :

« Eh bien, mon enfant, voulez-vous nous lire quelque chose de plus gai, c’est-à-dire ce qu’a fait de bon Mlle Adrienne ?

« — Oui, monsieur.

« — Édouard, dit Amine, toujours occupée des intérêts de l’absente, votre sœur écrit comme on parle, et c’est très-bien. Lisez de même. »

Édouard s’inclina gravement devant Amine et lut avec des inflexions convenables ce qui suit :

« Tu pensais bien, petit frère, que, puisque je t’ai dit mes sottises les premières, et que c’est mon éloge qui me reste à faire, tu n’attendrais pas longtemps. Je t’aurais même écrit plus tôt si je n’avais pas tant de travail et si je n’aimais pas tant à travailler. Je te vois d’ici ouvrir la bouche ! ne crois pas que je me vante. Ça m’amuse beaucoup. Et c’est précisément ce que je viens te raconter.

« Un jour, maman me dit :

« — Adrienne, demain nous irons au cours de physique de M. J…

« — Au cours de physique ! m’écriai-je, et pour quoi faire ?

« — Probablement pour savoir ce que c’est, me dit maman, à moins que tu tiennes absolument à ne pas le savoir. »

« Je ne tenais à rien, moi ; seulement, cela me paraissait un peu… étrange, je

ne sais pourquoi, et il me semblait que c’était quelque chose de barbare et de difficile, parce qu’on ne l’apprend qu’aux grands jeunes gens.

« — Mais, dis-je, à quoi cela sert-il ?

« — À tout, me répondit maman d’un air très-sérieux.

« — À tout ? répétai-je bien étonnée. Pourtant il y a si peu de gens qui l’apprennent…

« — Si nous allions habiter la Chine, tu verrais beaucoup de Chinoises s’abstenir de marcher. Cela te paraîtrait-il une raison d’en faire autant ?

« — Oh ! non, mais.

« — Je ne veux pas cependant que tu t’exagères mon assertion à l’égard de la physique ; il n’y a guère de science dont on ne puisse dire de même qu’elle sert à tout, parce que, toutes les choses de ce monde étant liées entre elles, sont nécessaires à l’intelligence les unes des autres, aussi bien qu’à l’intelligence de l’ensemble. On n’a pas encore assez compris cela. On n’a pas assez compris surtout qu’il nous était absolument nécessaire de connaitre ce qui nous entoure, ce qui nous touche, ce qui compose notre vie et la modifie à chaque c’est-à-dire Ja nature, ses phénomènes, ses êtres, ses éléments et leurs propriétés. Tu respires depuis que tu es au monde, et tu ne sais pas ce que c’est que l’air. Il a fait hier de l’orage, et tu l’as contemplé comme un bébé assiste aux exercices de Robert Ioudin, sans savoir quelles forces étaient en jeu et le mot de ce grand spectacle. 11 fait du vent aujourd’hui. Qu’est-ce que le vent ? Tu l’ignores. Ce rayon de soleil, qui traverse

instant,