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Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/221

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ta chambre, et dans lequel s’agite cette poussière d’or, pourrais-tu seulement me donner la raison de son obliquité et de l’agitation de cette poussière ? Hier, les feuilles du porlier et des pimprenelles étaient contractées, et tes cheveux se roulaient en boucles serrées autour de ton front. Aujourd’hui, les feuilles des pimprenelles s’étalent dans toute leur étendue, et tes boucles s’allongent. Pourquoi cela ? Tu ne le sais pas plus que ne le savent les porliers et les pimprenelles. Tu connais par routine les plantes comestibles d’entre celles qui ne Île sont pas. Mais tu ignores absolument pourquoi elles sont telles, de même que leurs différentes valeurs nutritives. Une pareille ignorance est-elle digne d’un être pensant ? Et peut-on se dire instruit quand Îles choses les plus ordinaires et les plus proches vous sont inconnues ?

« — C’est vrai, dis-je. »

« Et je ne pouvais pas dire autrement. Mais cela ne m’empêchait pas de rester inquiète et contrariée, et de considérer la physique comme un monstre prêt à me dévorer. J’allais au cours avec cette idée, comptant m’ennuyer beaucoup.

« Eh bien, pas du tout, c’était un vrai spectacle, une suite d’expériences très-curieuses, très-amusantes, et dont l’explication, parfaitement claire, m’intéresse beaucoup. Si bien que j’ai pensé que c’est par là, peut-être, qu’on devrait commencer l’instruction des enfants ; cela leur ferait aimer tout de suite à apprendre, parce que les enfants aiment à voir et à toucher ce dont on leur parle, au lieu que la lecture et la grammaire mal présentées Îeur font quelquefois prendre l’étude en horreur. Enfin je fus très contente, et je dis en sortant à maman que je voulais apprendre la physique, la chimie, la géologie, toutes les sciences naturelles.

« — Bien, bien, dit maman : nous allons tâcher de te trouver un professeur ; car malheureusement je ne puis l’être moi-même, puisqu’on s’est bien gardé de m’enseigner ces choses dans ma jeunesse, et que, depuis, le soin de mes enfants et les occupations du ménage m’ont empêchée d’étudier avec assez de suite.

« Et papa et maman cherchèrent le professeur. I] n’était pas facile à trouver sans doute, car un mois se passa, et pendant ce temps je me liai plus intimement qu’auparavant — je ne sais pas trop pourquoi — avec Hélène Fargeau, qui est de mon âge, mais qui fait déjà la grande demoiselle. Elle me parlait constamment de robes, de chapeaux, de ce qui se portait et ne se portait plus, de ce qui se fait ou ne se faisait pas chez les gens du monde, et des modes nouvelles, Elle est jolie, élégante, et j’aurais bien voulu lui ressembler. Nous sommes comme cela, tu sais, nous autres enfants ; les choses que nous ne connaissons pas encore nous prennent tout d’un coup là, tout entiers, et puis cela ne dure pas toujours, et nous passons de même à d’autres.

« Donc, me voilà dans les modes et frivolités, et faisant avec Hélène toutes sortes de plans de beaux ouvrages : crochets, broderies, dentelles de laine ou de fil etc… J’avais oublié la physique et ne pensais plus qu’à remplir la maison d’ouvrages de mes mains. Un jour, Hélène m’’apprend qu’elle va faire tout un ameublement de chambre en |tapisserie, oh ! mais pas seulement les chaises, canapé, fauteuils, mais aussi les tentures des murs, des portes, de la cheminée, quelque chose comme un travail de châtelaine du moyen âge. Elle l’a commencé déjà, et me montre Tes dessins ; ils sont superbes ! C’est un travail de beaucoup d’années : mais, aussi, comme Hélène se promet d’être heureuse dans une pareille chambre ! Il n’en saurait être autrement ! Elle va con-