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Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/257

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et qui se donnait pour le héros d’aventures extraordinaires,

« Hum ! dit une dame, il fait bon mentir à qui vient de loin. »

En achevant cette phrase, ne laisse-t-elle pas tomber son regard sur Édouard ! Il pense qu’assurément elle l’a fait exprès, rougit et se trouble, au point que les regards se fixent sur lui, et que les uns se demandent ce qu’il a, tandis que les autres sourient avec malice.

Qu’il était donc maladroit, ce pauvre Édouard, de rappeler ainsi à tout le monde ce qu’il aurait dù s’attacher à faire oublier !

Et cependant, bien que la susceptibilité soit un défaut désagréable, et souvent une sottise, nous aimons mieux voir Édouard timide qu’effronté et maladroit qu’habile. Car cela prouve qu’il a une conscience, et moins il est guéri de son chagrin, plus il l’est de son vice. Puis, il faut espérer que cette susceptibilité passera.

En attendant, Édouard devient de plus en plus timide et de plus en plus malheureux. Son imagination est véritablement malade. Comme il n’est occupé que de cette idée, il suppose que tout le monde l’est également et tout lui est prétexte à souffrir. Il faudrait pour le guérir que certains mots fussent effacés du dictionnaire, qu’aucun sourire malicieux dont il ne sait pas la cause ne vint pétiller dans les yeux de ses camarades et que tous les proverbes malsonnants fussent proscrits. Il est à croire cependant que l’activité des gens a d’autres buts que de se rappeler les fautes d’’Édouard et de prendre plaisir à les lui reprocher. Sa maman, qui devine ses ennuis, le lui fait entendre. Il se le dit à lui-même, et pourtant il ne cesse de trouver partout et toujours des allusions, et d’en être désolé. Jamais on ne prouva mieux que notre bonheur ou notre malheur sont en nous-mêmes indépendamment des réalités, au moins pour une grande part.

Édouard aurait bien voulu ne pas sortir de chez lui et ne voir que ses parents ; mais ce n’était pas possible. Tous les enfants des amis de la maison étaient, *ainsi que lui, en vacances, et les parents, pour délasser ces enfants de leurs travaux et les occuper, organisaient, chacun à son tour, des réunions, des promenades, des parties de plaisir de tout genre, où la famille d’Édouard était invitée. Adrienne tenait beaucoup à ces fêtes, et sous quel prétexte aurait-on laissé Édouard à la maison ?

D’ailleurs, je l’ai dit, Édouard n’osait pas même confier à sa mère les ennuis qu’il éprouvait, il lui était si doux de voir dans les tendres regards que ses chers parents attachaient sur lui, l’oubli de si cruels souvenirs ! Où trouver le courage de les rappeler ? Où trouver seulement des paroles pour se faire entendre ? Non, Édouard ne le pouvait pas.

Une des maisons où il souffrait le plus de paraître était celle de M. C…, le même qui, un soir, lui avait si durement et si publiquement appliqué l’épithète de menteur. Et cette impression était assez justifiée ; car M. G…, qui, sans doute, ne croyait pas Édouard corrigé, avait pour lui des manières pleines de froideur.

Un soir, chez M. C…, on jouait aux petits jeux on cachait l’anneau, c’est-à-dire que, assis en cercle, chacun tenait ses deux mains, en forme de boîte, sur ses genoux, tandis qu’une personne chargée de l’anneau courait dans le cercle, en touchant du même geste les mains de chaque assistant. Restait à savoir lequel avait réellement reçu l’anneau : qui se trompait, donnait un gage, et faisait une pénitence ; on se trompait souvent, et l’on riait beaucoup.

Chaque personne désignée comme ayant l’anneau, doit répondre : Je l’ail ou : Je ne l’ai pas. Et celle qui l’a, se lève en même temps pour le cacher à son tour. —