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Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/313

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qui s’y chauffaient ; pas une créature humaine, pas un animal ; enfin rien d’extraordinaire. Édouard ne comprit pas.

« Qu’est-ce que c’est ? dit-il, répétant la question des autres enfants.

— Des pêches magnifiques ! répondit le collégien en baissant la voix, et qui sentent bon ! hum !! »

Et il dilata ses narines aussi bien que ses prunelles.

« Oui ! elles sont très-belles, » dit Édouard, trouvant au fond que son compagnon faisait bien du bruit pour une chose qui ne les concernait guère.

Et il continuait scn chemin, quand il vit le collégien se mettre mur et se baisser vers l’espalier.

« Tu ne vas pas les cueillir, je pense ! lui cria-t-il.

— Et pourquoi pas, vertueux jeune homme ? répondit Alfred B…en relevant la tête. On peut bien en goûter.

— Non, puisqu’elles ne sont pas à nous.

— La belle affaire ! Nous faisons une migration. Nous sommes des peuples en marche, des conquérants. Alexandre a bien pris la Perse. Elle était plus grosse. »

Et se baissant de nouveau, Alfred allongea la main.

à cheval sur le

« Ne fais pas cela ! s’écria Édouard en lui mettant la main sur le bras. C’est très-mal ! ce serait un vol. »

Et s’adressant aux deux autres, il leur Cria :

« N’est-ce pas ? Empêchons-le !

— Non, non, il ne faut pas le faire, dit l’un assez faiblement, tandis que l’autre, s’efforçant de nouveau de grimper sur le mur, disait : Je voudrais les voir.

— Veux-tu bien me laisser, dis donc ! s’écria Alfred B…furieux, en se retournant vers Édouard. Je te défends de me toucher. Il paraît que tu fais l’hypocrite, à présent ?

— Mais ça ne prendra pas. On sait ce que tu as fait et ce que tu es. J’espère, vous autres, que vous ne croirez pas les bêtises qu’il dit. Tout le monde n’a pas les mêmes raisons que ce monsieur-là de voir le vol partout, et l’on sait bien que prendre des fruits ce n’est pas voler. C’est marauder, ce qui est bien différent.

— Vrai ! demanda Gustave, qui était parvenu à dépasser d’un œil le haut du mur, et qui, apercevant quelques-unes des pêches, dit avec une admiration gourmande : Oh ! qu’elles sont belles ! — Vrai ! répéta-t-il, marauder ce n’est pas voler ?

— Imbécile, puisque ce n’est pas le même mot.

— C’est la même chose, dit Édouard.

— Ça n’est pas vrai, reprit Alfred. Personne, ajouta-t-il, en lançant un coup Édouard, personne ne dira de moi que je ne suis pas un honnête garçon, et pourtant j’ai dévalisé plus d’un arbre dans ma vie. Bah ! ce sont là des tours d’écoliers. Il n’y a que les propriétaires qui se fâchent ; les autres en rient.

— Dame, si ce n’est pas voler ? dit Gustave.

— Quand je te dis que c’est marauder. Connais-tu ta langue ? Allons, qui en veut ?

— Et moi, je vous dis, s’écria Édouard, que c’est toujours voler que de prendre ce

d’œil méprisant à

qui n’est pas à sol. Si vous aviez de belles pêches, seriez-vous content qu’on vint vous les enlever ?

— Tartuffe, va ! répondit Alfred. Ne le prendrait-on pas pour un petit saint ? Vous ne savez pas : c’est tout bonnement qu’il a trop mangé à table, et qu’il n’y a plus de place dans son estomac.

— J’ai eu des torts autrefois, c’est vrai, dit Édouard plein d’émotion. Et c’est à cause de cela que je ne veux plus mal faire, et que je voudrais aussi vous en empêcher, car ça m’a rendu bien malheureux.