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Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/314

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— Un vrai prédicateur ! dit le collégien en s’essuyant les yeux de son mouchoir, ce qui fit rire les deux autres. »

Autorisé par ces rires, le mauvais garçon cueillit deux belles pêches qu’il remit à ses compagnons. La vue de ces fruits

superbes, leurs belles couleurs et leur parfum, achevèrent de vaincre chez ceux-ci toute hésitation ; ils y mordirent aussitôt. Édouard, désolé de n’avoir pu empêcher cette mauvaise action, voulait du moins protester par la retraite, et il enfourchait déjà le mur pour sauter à terre, quand le collégien l’arrêta. Il venait de cueillir deux autres pêches :

« Ce n’est pas tout, dit-il à Édouard, tu vas en manger aussi, parce qu’il ne faut pas que tu nous mouchardes.

— Je n’en mangerai pas ! s’écria Édouard, dont les yeux brillaient d’indignation.

— Tu en mangeras ! »

La pêche repoussée par Édouard lui fut écrasée sur la figure, et une lutte eut lieu sur la crête du mur, lutte dans laquelle les deux combattants dégringolèrent dans le jardin voisin, en brisant plusieurs branches de l’espalier. La peur d’être surpris sur ce terrain défendu ta au collégien toute envie de continuer le combat, et il se hâta de regrimper et de sauter de l’autre côté, non sans avoir bourré ses poches de toutes les pêches qui lui tombèrent sous la main.

Édouard, resté seul, eut un moment l’envie de chercher la porte du jardin, plutôt que de fuir comme un malfaiteur ; mais il réfléchit qu’il ne pouvait s’expliquer sans dénoncer les coupables, et il renonça bien vite à cette pensée. Il se sentait un peu étourdi, car sa tête avait porté dans la chute ; afin d’éviter Alfred et ses compagnons, il longea quelque temps le mur à l’intérieur du jardin, remonta avec précaution à l’aide des crampons de l’espalier, redescendir dans la vigne à un autre endroit et reprit aussitôt le chemin de la maison.

Jusque-là, il avait été trop ému pour songer à rien qu’à ce qui venait de se passer ; mais quand il se trouva près de la petite porte par laquelle il devait rentrer dans le jardin de Mme Albin, et qu’il vit cette porte entr’ouverte, il pensa que sa toilette devait être fort en désordre, et il se hâta de secouer sa veste et son pantalon. En passant la main dans ses cheveux, il sentit de nouveau une douleur au front ; puis, il chercha son mouchoir pour essuyer son visage plein de sueur et ne le trouva point dans sa poche. — Ah ! sans doute Fanfan l’Éveillé ne le lui avait pas rendu, et peut-être l’avait-il perdu dans le pré ?

Édouard avait à peine franchi la porte du jardin qu’il se trouva en présence de la mère de Fanfan, accompagnée d’une autre dame.

« Édouard, lui demanda-t-elle vivement, Fanfan n’est pas avec vous ?

— Non, madame.

— Grand Dieu ! où est-il ? Je le cherche depuis une demi-heure. Mon enfant ! où est-il ?

— Voyons, ma chère amie, c’est tout au plus s’il y a quinze minutes, observa l’autre dame, ne vous inquiétez donc pas ainsi. »

En même temps, elle regardait Édouard, et dit tout à coup :

« Mais qu’avez-vous, mon enfant ? Il vous est arrivé quelque chose, car vous êtes tout pâle et vous avez une bosse au front. »

Édouard hésita et rougit, puis il répondit :

« Madame, c’est que je suis tombé.

— Là ! vous pouviez vous tuer peut-être. Et où donc étiez-vous grimpé ?

— Oh ! répondit Édouard, visiblement embarrassé, cela ne fait rien. »

Les dames allaient sortir du jardin, et