Aller au contenu

Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/315

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Édouard les suivait pour aider à chercher l’enfant, quand soudainement se présenta dans la porte M. Fanfan lui-même, arrivant de son pas le plus leste et le plus délibéré. Sa jeune mère se jeta aussitôt sur lui, l’enleva dans ses bras, et après l’avoir embrassé de toutes ses forces, se prit à le gronder. Tout à coup, elle se retourna vers Édouard :

« Et vous prétendiez qu’il n’était pas allé avec vous ? lui dit-elle d’un ton de reproche.

— Non, madame, il n’était pas avec moi, » répondit Édouard vivement.

Puis aussitôt, il baissa la tête avec une amère tristesse, en songeant à ce poids implacable de soupçon dont l’écrasaient ses fautes passées.

« Mais non, il n’était pas avec moi, puisque je le cherchais ! s’écria Fanfan, en s’échappant des bras de sa mère. Pourquoi est-ce que tu lui fais de la peine, toi aussi, maman ? Je ne veux pas qu’on lui fasse de la peine ; c’est mon ami ! »

Et il alla passer les deux bras autour du cou d’Édouard, qui l’enleva et se mit à le porter dans l’allée, le cœur tout attendri, au milieu de ses chagrins, de cette amitié gentille.

« Ils sont méchants, ceux qui disent du mal de toi, dit encore Fanfan. »

Et, de son petit air capable, secouant la tête de haut en bas, il semblait ruminer des choses pesantes sur son cœur. Édouard l’alla poser dans la balançoire et prit plaisir à l’y bercer. Puis, ils se séparèrent, la maman étant empressée de reprendre son bébé, tandis qu’Édouard désirait également rejoindre sa mère.

Elle le cherchait et vit du premier coup d’œil qu’il avait dû recevoir quelque nouvelle impression fächeuse. Marchant près de lui, et lui serrant doucement la main, elle l’interrogea.

« Chère mère, lui dit-il, je te raconterai

TOME XVII

LA JUSTICE DES CHOSES.

305

cela demain, demain seulement : il le faut. »

Ils allèrent ensemble rejoindre Adrienne, et il se vit engagé, en compagnie d’un groupe de jeunes filles et de deux ou trois jeunes gens, dans une partie de colinmaillard. Là encore, cependant, malgré l’entrain du jeu, il se vit observé avec un peu de froideur, et, chose étrange, sa sœur n’avait pas pour lui cette maternelle protection, ces douces paroles auxquelles elle l’avait accoutumé.

La journée g’était écoulée très-joyeusement pour la plupart des invités ; les papas venaient d’arriver par le train de six heures ; on sonna la cloche du diner. Bientôt, tout le monde à peu près fut rassemblé autour d’une grande table, déjà chargée, et tandis qu’on attendait encore Mu Albin et quelques personnes, et qu’arrivaient les potages fumants, les yeux de certains possesseurs d’estomacs friands pouvaient parcourir avec intérêt les pyramides de fruits, les plats de crême, les confitures et les gâteaux étalés. Car ce dessert avait une symétrie fort belle et irréprochable. On y voyait, comme les pieces d’un jeu d’échecs, ou comme dans une contredanse les dames et les cavaliers, figurer en vis-à-vis oblique les fruits ou friandises de même sorte : poires avec poires, groseilles avec raisins, noix avec amandes, et, pour tout dire en un mot, suivant les grandes règles, pepins avec pepins, noyaux avec noyaux, etc. ; toui était parfait, sauf à une seule place, où se trouvait une assiette vide ; et pour tout initié à l’art des desserts, on pouvait, en interrogeant à l’autre bout la place correspondante, savoir ce qui manquait ; ce devait être des pêches ou des persès, tout au moins un fruit à noyau, car le partner solitaire du bout opposé était une assiette de pêches jaunes.

« M. Marcieux n’est pas encore venu ? demanda Juliette Albin, qui était avec ses