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Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/317

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rent sur lui, quand son nom fut prononcé, à peine demeura-t-il une seconde immobile ; il se leva, et tout blanc de visage, mais d’un pas ferme, il s’approcha de M. Marcieux.

« Monsieur, dit-il d’une voix assez haute pour que tout le monde l’entendit, ce mouchoir est à moi, en effet, et cependant ce n’est pas moi qui ai pris vos pêches.

— Fort bien, monsieur, répliqua M. Marcieux, d’un ton de mépris écrasant. Voici. »

Et il remit le mouchoir à Édouard, tandis qu’un murmure d’indignation courait autour de la table. Car pouvait-on croire une pareille déclaration ? C’était d’une insigne effronterie.

« Édouard ! mon enfant ! s’écria, d’un ton déchirant, la pauvre mère, justifie-toi. Je t’en conjure. Qui a fait cela ? »

Édouard leva douloureusement les yeux sur elle. Il était livide.

« Maman, je ne dois pas dénoncer les autres. Je ne puis dire qu’une chose, c’est que ce n’est pas moi.

— En présence d’une telle preuve, tout mensonge est inutile, » s’écria quelqu’un d’une voix éclatante, quoique brisée par la douleur.

C’était le père d’Édouard. Il se leva en même temps et s’approchant de son fils :

« Venez, monsieur, suivez-moi. Ne troublez pas plus longtemps la joie des honnêtes gens. »

Il trouva sa femme sur son chemin.

« Je t’en prie ! lui dit-elle, calme-toi. Je suis sûre qu’Édouard n’est pas coupable.

— Ah ! voilà bien les mères, lui répondit-il avec un geste de commisération douloureuse. Non, ma pauvre amie, tais-toi ; on se rend ridicule, voilà tout. Il faut accepter son malheur… »

Cet événement, les paroles du père d’Édouard et sa volonté de partir en emmenant le coupable, avaient ému vivement toute l’assistance, composée pour la plupart d’amis de cette famille ; on plaignait beaucoup les parents ; plusieurs voix s’élevèrent pour les consoler ; on essayait d’atténuer la faute, et M. et Mme Albin s’épuisaient à répéter :

« Ce n’est qu’une espièglerie. Vous prenez cela trop au sérieux. »

Tandis que de son côté M. Marcieux se répandait en excuses et protestait de ses regrets vis-à-vis du père d’Édouard, les amies d’Adrienne, éplorée, l’entouraient en la comblant de caresses.

Mais tout cela n’était que de la pitié, et cette politesse menteuse qui, pour donner à tout, en dépit de tout, des apparences convenables, sacrifie la vérité. Ceux qui étaient loin, et ne pouvaient pas être entendus, parlaient entre eux autrement.

« Quel affreux petit mauvais sujet ! disait à la mère de Fanfan la dame qui l’accompagnait au jardin. Vous rappelez-vous, quand nous lavons rencontré, comme il était défait ? et sa bosse au front ? Il nous à même avoué qu’il était tombé, sans vouloir dire où ; je le crois bien !

— Oh ! que je plains ses parents ! répondait la jeune mère. — Mais calme : toi donc, mon petit ange, » ajoutait-elle, parlant à Fanfan, qui s’agitait sur la pile de livres où on l’avait juché pour le mettre à la hauteur de la table,

« Non ! ça n’est pas vrai ! ça n’est pas Édouard qui l’a fait ! » criait Fanfan de toute sa voix, que l’on n’entendait guère.

Et sa petite tête, si éveillée, si intelligente, se tendait à droite et à gauche pour saisir ce qui se disait ; puis, il poussait des cris, prononçait des mots perdus au milieu du bruit, et frappait la table de ses petites mains.

« Ce malheureux enfant a été bon pour lui, reprit la jeune mère, et Fanfan est si reconnaissant ! »

Toutes ces condamnations à voix basse