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Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/318

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et toutes ces consolations à voix haute ! s’échangeaient en même temps. Mais le père d’Édouard était trop sincère et trop fier pour ne pas tenir compte de ce qu’on pensait plutôt que de ce qu’on lui disait, par pitié et par politesse ; aussi répondit-il à M. Albin :

« Non, mon ami, ces choses ne sont pas des espiègleries. Songez à ce que vous disiez tout à l’heure quand vous avez cru qu’il s’agissait de voleurs ordinaires, c’est-à-dire de quelque pauvre homme ou de quelque pauvre enfant. Alors le crime vous paraissait grave et le châtiment légitime. Eh bien, à mon sens, de la part de celui qui l’a commis, c’est, au contraire, plus grave encore. Je vous remercie de la pensée qui vous dicte ces consolations, mais je ne puis les accepter.

— Mais ce n’est qu’un enfant ! répéta Me Albin.

— Oui, madame, heureusement. Et cependant… Sa voix s’altéra en disant : « Il me laisse bien peu d’espoir ! » Enfin, reprit le malheureux père en se roidissant contre l’émotion, ce sont là scènes de famille dont je vous demande pardon de vous occuper ainsi, Je fais justice, en retirant du milieu de vous un coupable. et des malheureux… Vous serez plus gais après notre départ.

— Édouard, lui dit sa mère, Édouard, dis-moi que tu n’es pas coupable. Répète-le moi, et pardonne-moi cette nouvelle question. Ma tête se perd.

— Non, mère chérie, répondit-il, non, je ne suis pas coupable. J’ai fait ce que j’ai pu pour empêcher… Je me suis battu, même, et c’est pourquoi.

— Bien, dit-elle, c’est bien. Maintenant, que tout le monde t’accuse, au moins, tu auras ta mère ! »

Mais, dans tout cela, que faisaient les vrais coupables, Alfred B. et ses compagnons ? — Alfred était fort agité, fort

rouge ; on eût pu même le voir trembler : et cependant il s’efforçait de paraître occupé, de sourire même, tout cela pourtant d’un air si faux, si éperdu, qu’il n’eût pas été difficile de deviner qu’il était coupable, si l’attention se fût portée sur lui. — Gustave sanglotait, couché sur la table, et ses voisins disaient de lui :

« Pauvre enfant ! comme il est sensible ! » — Pour l’autre, il avait tout doucement quitté la table et s’était enfui.

Les bonnes paroles de sa mère avaient rempli Édouard d’un nouveau courage. Il sentait que, s’il quittait cette assemblée sous cette condamnation, il en porterait le poids toute sa vie ; il voyait ses parents au désespoir, et, résistant à son père qui une seconde fois lui ordonnait de le suivre, il osa lui-même prendre la parole. Sur ses traits, pour la première fois, on put lire une résolution profonde, une indomptable fermeté. La main sur le dossier de la chaise qu’avait laissée vide M. Marcieux, debout, toujours bien pâle, sa mère à côté de lui :

u Écoutez, dit-il, écoutez-moi, je vous en prie ! Je vous demande cette justice ! Partir ainsi… quand tous vous me croyez coupable, non, ce serait trop affreux. Je veux vous dire la vérité ; il me semble que vous l’entendrez dans ma voix. Non, ce n’est pas moi ! Je sais… oui… J’ai mérité d’être soupçonné, parce que… autrefois. j’ai été entrainé par de mauvais conseils et une mauvaise compagnie… et j’ai mal, très-mal agi… Mais j’en ai bien souffert ; j’en ai demandé pardon à mes parents, je leur ai promis et me suis promis à moi-même que je serais toujours honnête et sincère. Et j’ai tenu parole, je vous jure ! Aujourd’hui, c’est vrai, les apparences sont contre moi… je le sais. et pourtant ce n’est pas moi !… J’ai fait au contraire mon possible pour empêcher… Je ne puis pas dire qui c’est ; mais ils sont bien lâches