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Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/352

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fait, dit Édouard avec un peu de dépit. »

Sa maman se mit à rire.

« Malheureusement non, répéta-t-elle ; on ne peut pas être parfait ; mais le moyen de ne pas être trop imparfait est de tendre à l’idéal de perfection relative que nous pouvons atteindre, chacun suivant notre intelligence et nos forces. — Maintenant, ajouta-t-elle, si tu es fatigué, pour aujourd’hui repose-toi. En principe, nul ne te doit les services personnels que tu peux te rendre à toi-même, et c’est toi qui devrais remettre tes boutons et brosser ton pantalon. Il en serait ainsi si tu étais au collége, tu le sais bien ; mais, par amitié pour toi, je t’aiderai volontiers dans ce travail, si, en ce moment, il dépasse tes forces. »

Édouard vit bien que sa maman se moquait de lui, et, sans mot dire, il remit ses boutons et alla se brosser. Le tout ne lui prit pas plus de dix minutes. Bientôt après, il était sur le pavé de la rue, suffisamment accoutré pour n’être pas de ceux qu’on remarque, soit en mal, soit en bien.

Mais, il faut l’avouer, Édouard avait contracté à la campagne l’habitude d’un certain laisser-aller qui lui semblait commode et où, volontiers, il retombait. Certes, il avait tout le temps nécessaire pour brosser ses habits et les plier ; cependant, il les laissait trainer sur les chaises de sa chambre, à la poussière, et parfois, s’il se sentait les mains humides ou tachées, quand c’eût été d’encre, il les essuyait à son pantalon.

Sa maman ne lui renouvela plus ses observations ; mais un jour, qu’on allait sortir, tous ensemble, ayant regardé Édouard un moment avec attention, elle dit à son mari :

« Mon ami, je ne comptais sur aucune dépense d’habillement jusqu’à la fin de l’année ; car je pensais que le vêtement d’Édouard devait pouvoir amplement finir

la saison. Mais le voilà dans un tel état, que cet enfant ne peut plus se présenter ainsi nulle part. Pouvons-nous lui en acheter un autre ?

— C’est impossible, répondit le papa, je n’ai pas assez d’argent pour suffire à des dépenses qu’il eût été si facile d’éviter. C’est, ma foi, bien assez du nécessaire ! Pourquoi Édouard tache-t-il ses habits ?

— C’est une fâcheuse habitude qu’il a prise, dit la maman.

— Tant pis pour lui !

— Mais, reprit-elle, vois comme toutes ces taches sautent aux yeux, et offensent le goût de ceux qui aiment Ja propreté.

— Ma chère amie, j’en suis désolé : mais, quand nous avons donné à notre fils le nécessaire, est-ce donc notre faute s’il agit de telle manière que ce ne soit pas assez ? Lorsqu’Édouard sera chargé de suffire à ses propres besoins et à ceux de sa famille, il saura combien le désordre et le gaspillage sont choses funestes et peuvent rendre impossible la tâche, déjà si lourde, du père de famille. Je ne vois qu’une chose à faire, c’est de donner à détacher cet habit ; encore sera-ce une dépense qu’Édouard eût pu nous épargner avec plus de soin.

— C’est ce que j’aurais déjà fait, reprit la maman, s’il ne s’agissait que de taches pouvant s’enlever ; mais le malheur est qu’il y a aussi des taches d’encre, et d’acide de fruits, qui attaquent la couleur et déshonorent complétement un habit.

— Tu veux dire son propriétaire ? »

À cette réponse du papa, Édouard qui, depuis le commencement de cette conversation, dont il était le sujet, se trouvait déjà fort mal à l’aise, se révolta.

« Je ne veux pas dire que je n’ai pas tort, s’écria-t-il ; mais être déshonoré parce qu’on a un habit malpropre, c’est aussi trop fort !

— En effet, dit le papa, l’expression est