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(Le Boa constrictor.)


LE BOA CONSTRICTOR.



LE LAPIN ET LE BOA. — FESTIN DU BOA. — SA BEAUTÉ. — ADORATION DU BOA EN DIVERS PAYS.

Dans le dessin qui précède, la nature a été prise sur le fait, et reproduite par un artiste qui a vu le boa dans cette attitude pittoresque. Le serpent était sous un grillage ; on lui avait jeté un lapin vers l’époque de son repas mensuel, et plusieurs jours s’étaient passés sans accident, de façon que le pauvre petit animal s’était familiarisé avec son ennemi. Tout-à-coup le monstre se dresse, ouvre sa gueule effroyable, et, prompt comme la foudre, se lance vers le lapin !… Puis… était-ce compassion, ou nonchalance d’un appétit mal éveillé ? il recule, achève son bâillement énorme, et se rendort. Pauvre lapin ! la mort vient de t’effleurer, et dans ton innocence tu recommences à jouer dans les replis écailleux de ton dangereux camarade ; mais sa miséricorde ne durera qu’un jour, demain tu seras englouti sans remords.

Le singe, dans un coin du tableau, considère ce spectacle avec une face diabolique, comme s’il était le mauvais génie du lapin ; il ricane à son aise parce qu’il est à l’abri ; mais dans les forêts quelqu’un de sa famille fournit souvent aux frais du festin. Le boa atteint les branches les plus élevées, en roulant son corps autour de l’arbre avec autant de rapidité qu’une lanière se roule autour des cornes d’un taureau lorsqu’elle est armée de deux balles de plomb, et lancée avec raideur. Les fleuves ne sont qu’un faible refuge contre le monstre, qui poursuit sa victime au milieu des ondes agitées. Quand il lutte contre un ennemi digne de lui, il l’enveloppe dans mille nœuds, lui fait craquer les os avec un fracas retentissant, et l’étouffe. Il se roule ensuite avec sa proie contre un tronc d’arbre dont il se sert comme d’un levier pour triturer tout ensemble les os concassés et les chairs meurtries ; il pétrit, il alonge celle masse informe, l’inonde de son infecte bave, et l’engloutit dans son gosier dilaté. Quelquefois le festin, trop considérable, ne peut être terminé en une séance ; le boa n’avale alors, et ne digère que par parties, la gueule horriblement ouverte, et remplie d’une proie à demi dévorée, il demeure dans la torpeur pendant le pénible travail de sa digestion.

On peut suivre au travers de la peau du boa les cornes d’un animal englouti, qui parcourt toute la longueur du serpent, en marquant successivement sur son passage une hideuse tuméfaction.

Mais si le boa se présente ainsi sous une apparence horrible, il est superbe lorsque, plein d’une vie active, il parcourt la campagne. On le voit, en Afrique, s’avancer au milieu des herbes hautes et des broussailles, semblable à une gigantesque poutre qu’on remuerait avec vitesse ; les plantes s’inclinent sur son passage, et laissent voir le sillon que tracent les ondulations de son corps ; devant lui fuient des trou-