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Page:Magdeleine du Genestoux Le trésor de Mr. Toupie - 1924.djvu/16

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LE TRÉSOR DE M. TOUPIE

Sur une grande table on pouvait étaler des cartes, des livres, des dictionnaires. M. Treillard aimait beaucoup ses livres et ne les communiquait pas à tout le monde ; mais il avait pris Charles en affection ; il appréciait son caractère sérieux, et comme il désirait son amitié pour son fils Arthur, il l’autorisait à lire les ouvrages qu’il voulait. Quand il entendit ce qu’Arthur lui raconta au sujet du concours organisé par M. Toupie, l’idée lui vint aussitôt d’aider Charles à entreprendre la recherche du trésor.

« Voilà une expédition toute trouvée pour Arthur, dont les vacances sont toujours un problème pour moi ; j’ai une très grande admiration pour le docteur Lefrançois, qui est aussi savant qu’estimable et, pour une fois que l’on peut rendre un service à un homme de sa valeur, il faut en saisir l’occasion. Arthur est un bon garçon, dont toutes les qualités sont gâchées par un terrible défaut, une étourderie qui lui fait commettre les pires sottises. Si Charles pouvait lui mettre du plomb dans la tête, comme je le bénirais !… »

Allant et venant dans la bibliothèque, M. Treillard prononçait ce monologue qu’écoutait sans l’interrompre Mme Treillard, étendue sur un rocking-chair. D’une santé très délicate, elle ne pouvait sortir qu’en voiture ; les voyages lui étaient interdits parce que ses nerfs n’auraient pu supporter l’agitation des embarquements, des débarquements et le tumulte des gares.

Arthur faisait tout ce qu’il pouvait pour se corriger de son étourderie proverbiale, mais il n’y parvenait pas. Et Dieu sait si ses camarades lui ménageaient peu leurs quolibets ! Combien de fois n’était-il pas arrivé au collège, ayant laissé sur sa table le cahier ou le livre nécessaire, ce jour-là même, en classe. Les mauvaises notes de ses professeurs, les punitions de ses parents, les déceptions qui résultaient de ses étourderies, rien n’y faisait.

Charles était déjà venu, le jeudi précédent, pour consulter dans la bibliothèque de M. Treillard guides et livres de voyage, et Arthur lui avait tenu compagnie, car rien ne l’amusait autant que d’être avec son ami. Mais ce jour-là, Charles Lefrançois ne trouva dans la bibliothèque que M. Treillard, qui achevait de fumer un cigare.

« Mon garçon, lui dit-il, Arthur est consigné dans sa chambre aujourd’hui. Non pas qu’il ait commis une faute grave, mais vous ne me croirez pas : ce matin sa mère lui fait porter sur son lit, avant son lever, une paire de chaussettes bleu-paon qu’il désirait vivement… Eh bien ! cinq minutes après, une des chaussettes avait disparu. On l’a cherchée partout, dans son lit, dans ses livres, partout… partout… Impossible de trouver cette seconde chaussette… J’ai décidé qu’il ne vous verrait que lorsqu’il aurait mis la main sur la chaussette… »


arthur rendit la liberté au papillon.

Charles, en lui-même, pensait : « En voilà une affaire pour une chaussette ! » Mais il dit seulement :

« Oh ! monsieur, vous me permettrez bien d’aller lui dire bonjour… avant de me mettre au travail ?

— Eh bien ! oui, allez. »

Charles monta rapidement dans la chambre d’Arthur. Il le trouva sur le balcon de sa fenêtre, tenant dans ses mains un merveilleux papillon aux ailes veloutées de couleurs éclatantes.

« Bonjour, toi, dit-il à Charles. Regarde-moi cet étourdi : il s’est laissé prendre comme un nigaud.

— Laisse-moi rire, je t’en prie… Allons, donne la liberté à cet étourdi, comme tu l’appelles.

— Oui… il est prisonnier comme moi… »

Arthur ouvrit ses doigts et le papillon s’envola, dessinant sous le soleil