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UNE RIVALE


Tandis que les événements que nous venons de raconter se passaient dans la paisible ville de Versailles et dans la pittoresque cité du Puy, Arles, sous le beau soleil du Midi, voyait des scènes imprévues.

Dans une rue où se trouvent de vieilles et belles maisons, demeurait, dans un ancien hôtel datant du temps de Louis XIV, la famille Dambert, que la lecture du Coq gaulois avait bouleversée. Cette famille se composait du père, de la mère, d’un garçon de dix-huit ans et d’une fille âgée de douze ans.

M. et Mme Dambert possédaient de grands pâturages dans la Camargue, où M. Dambert faisait l’élevage des chevaux.

Le fils, Paul, avait fini ses études et, aimant passionnément la campagne, les chevaux et la liberté, il se disposait à aider son père dans sa vaste exploitation.

La petite Colette était gâtée et choyée par ses parents et son frère, heureux d’aller au-devant de tous ses désirs.

Elle menait une vie fort agréable, montait à cheval comme une amazone, conduisait une auto comme le meilleur des chauffeurs, ramait comme un matelot exercé ; bref, tous les sports lui étaient familiers.

Son frère avait coutume de la traiter comme une reine et de satisfaire toutes ses fantaisies, quelque saugrenues qu’elles fussent, tandis que son père était en constante admiration devant cette petite aux yeux noirs et aux cheveux bouclés.

La mère, qui avait toujours été d’une faiblesse extrême pour son fils, l’était encore davantage pour cette enfant pleine de santé, de vie exubérante, mais capricieuse et fantasque. On racontait qu’un jour, alors qu’elle était toute petite, son père lui ayant apporté une poupée, elle l’avait prise et lui avait cassé la tête sur une pierre, en déclarant que les poupées, c’était bête et ennuyeux.

Colette faisait son éducation à Arles. avec une institutrice très bonne, très intelligente, mais n’ayant rien de moderne, et qui regardait son élève comme un phénomène.

Cette institutrice était très myope ; aussi portait-elle constamment des lunettes dont les tours d’écaille brune formaient deux cercles autour de ses yeux : quand il y avait un dîner ou quelque réception chez les Dambert, ou dans des familles amies, Mlle Marlvin — tel était son nom — abandonnait ses lunettes et prenait un face à main, dont elle se servait avec timidité et gêne ; il en résultait qu’elle ne voyait pas grand’chose. Colette s’en donnait alors à cœur joie, de faire mille étourderies et bien des sottises.

Le 9 mai, le jour où parut dans le Coq gaulois l’article relatif au concours de M. Toupie, M. Dambert revint fort tard pour le déjeuner, avec son fils.

Le temps était superbe. La conversation roula principalement sur les progrès de la végétation dans la Camargue.

Colette, contre son habitude, était assez silencieuse.

Après le déjeuner, la famille se réunit, comme à l’ordinaire, dans un petit salon dont les fenêtres donnaient sur le Rhône ; cette pièce était particulièrement fraîche en été.

M. Dambert tira un journal de sa poche et dit à sa femme :

« As-tu vu, ce matin, le Coq gaulois ?

— Non… mais Mlle Marlvin m’a dit qu’il y avait un drôle de concours.

— Quel concours ? Quel concours ? s’écria Colette en se précipitant sur les genoux de son papa. Dis vite.

— Attends… attends… je cherche… répondit M. Dambert, en dépliant son journal.

— C’est à la troisième page, dit Mlle Marlvin… Un concours sensationnel… Il est organisé par M. Toupie !

— Oh ! Oh ! Toupie, en voilà un nom ! s’écria Colette, en secouant sa tête brune et en riant aux éclats.

— Voilà : Un concours sensationnel. »

Et M. Dambert lut l’article que nous